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Néolithique européen

Néolithique européen

Cours 10 : La fin du Néolithique en Europe 4e-3e millénaires
II - le phénomène campaniforme

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Néolithique européen

Cours 11 : La fin du Néolithique en Europe

II - le phénomène campaniforme. L'exemple du sud-est de la France

 

 

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« Ecoutez, trois mille ans avant la naissance du Christ, un peuple est sorti d’Espagne et s’est répandu dans toute l’Europe.
C’étaient des nomades, des étrangers en tous lieux.
Mais on les respectait - on les vénérait, même –
parce qu’ils apportaient avec eux un secret.
Celui de la fabrication de la bière.
Ils ont propagé l’art du brassage avec un zèle de missionnaires.
On trouve leurs gobelets décorés dans des tombes, du fin fond de la Sicile jusqu’à l’extrémité septentrionale de l’Ecosse.
Ce cadeau qu’ils ont fait à l’Europe est à l’origine de plus de croyances que je ne pourrais en raconter pour l’instant. »

Cette citation fait référence à ce que l'on a appelé le "Phénomène Campaniforme".
Elle n'est pas issue d'un quelconque livre savant sur la Préhistoire de l'Europe mais d'un roman fantastique américain de Tim Powers : les chevaliers de la brunethe Drawing of the Dark, auteur en vogue dans les années 80-90.
Si l'on retrouve dans la littérature la mention de ce qui n'est après tout qu'un assemblage archéologique de la fin du Néolithique, c'est sans doute parce que ce Campaniforme est encore qualifié jusqu'à aujourd'hui d'"énigme" ou de "question parmi les plus irritante de la Préhistoire Européenne".
Je vais donc vous parler de l'un des phénomènes les plus étudiés et les plus discutés de la fin de la Préhistoire Européenne, que l'on appelle le Campaniforme.
Ce que je vous présenterai aujourd'hui est une sorte de résumé d'une thèse de Doctorat soutenue en 2002 à l'Université d'Aix-en-Provence.

Entrons tout de suite dans le vif du sujet : qu'est ce que ce fameux Campaniforme ?
Au départ et au sens strict, ce terme désigne un gobelet de poterie dont le profil en S lui donne la forme d'une cloche à l'envers.
Ce type de gobelet est caractérisé à la fois par sa forme mais aussi et surtout par le décor particulier qu'il porte généralement et qui a permis par extension de qualifier de campaniformes d'autres formes céramiques présentant le même type de décor puis même d'autres décors relevant de la même tradition et considérés comme des évolutions ou des reproductions des premiers.

Au fur et à mesure des découvertes, un assemblage mobilier « set » ou « package » s’est créé par ajouts successifs de certains objets caractéristiques découverts associés à la céramique campaniforme comme les boutons perforés en V, les plaquettes perforées appelées « brassards d’archer », les armatures de flèches à pédoncule et ailerons équarris, certains types de parure comme les pendeloques arciformes ainsi que certaines parures en or et des objets en cuivre comme les poignards à languette et les alênes bipointes de section carrée.

Ces découvertes effectuées essentiellement en contexte funéraire ont conditionné pendant longtemps la réflexion sur ce phénomène interprété comme la diffusion de « biens de prestiges » liée à celle du rite de la sépulture individuelle et traduisant une hiérarchisation sociale en rupture avec les « images égalitaires » des sociétés du Néolithique dont il marque la fin.

A partir de la définition de ce « package » deux constats pouvaient être faits qui ont retenu l’attention de plusieurs générations d’archéologues :

l’apparition très rapide dans le temps au IIIe millénaire et la très vaste répartition dans l’espace, du Maroc à la Pologne et d’Irlande en Sicile, de ces objets ;

et la découverte de ces objets le plus souvent dans des tombes, au moins dans les phases anciennes, les habitats, plus rares, étant quand même bien présents dans certaines régions et pour les phases récentes.

L'association des gobelets avec des objets de métal, essentiellement du cuivre mais aussi parfois de l'or a excité l'imagination des chercheurs mais plus encore ce phénomène a donc affecté une région de plus de deux millions trois cent mille kilomètres carrés et, quelle que soit sa région d’origine, il a couvert directement ou indirectement des distances de plus de deux mille kilomètres (entre le Portugal et les Pays-Bas par exemple), et il y avait de quoi effectivement alimenter quelques interrogations.

Après cette première définition, voyons un rapide historique des recherches, à l'échelle européenne qui nous amènera aux problématiques actuelles sur le phénomène Campaniforme.
Les vases campaniformes ont été décrits dès le XIXe siècle mais ce n'est qu'au début du XXe que les premières réelles études sont réalisées, tout d'abord en Angleterre avec les travaux d'Abercromby, puis en Espagne avec une première et remarquable synthèse des données ibériques et européennes, dès 1928 par Alberto del Castillo.
Dès cette époque les archéologues cherchent à expliquer la vaste répartition, archéologiquement inédite, des gobelets en Europe et, selon les théories en vogue à l’époque, plusieurs thèses diffusionnistes sont proposées.
L’origine du Campaniforme est, selon les auteurs et le plus souvent, placée en Europe centrale ou dans la péninsule ibérique, même si les premières théories ont évoqué des régions plus lointaines comme l’Egypte ou plus vaguement "une dimension africaine".

Parallèlement, des approches anthropologiques tentent de définir ce peuple Campaniforme à partir de caractéristiques biométriques des squelettes, et cela jusqu’à une période très récente.
Les causes de ces migrations sont aussi envisagées. « Les Campaniformes » sont alors vus comme des nomades (on n’en connaît que les sépultures), des guerriers (avec la présence d’armes dans ces sépultures) et/ou des prospecteurs et colporteurs de cuivre et d’objets de métal.

La seconde moitié du siècle voit ces théories réfutées, tout d’abord grâce aux découvertes de vases campaniformes dans des habitats, puis au développement des datations par le radiocarbone montrant la déconnexion du développement de la métallurgie par rapport au phénomène campaniforme qui lui est nettement postérieur, au moins dans certaines régions, et enfin par l’abandon assez généralisé des thèses migratoires et guerrières.
Les théories qui se développent alors insistent sur le caractère particulier des objets campaniformes dans le sens de leur qualité et de leur relative rareté.
L’hypothèse de « l’objet de prestige » liée à la définition de l’assemblage récurrent, le « package », s’insère alors dans une série de thèses fonctionnelles et socio-économiques.
Parallèlement, la reconnaissance déjà ancienne de groupes régionaux présentant des styles clairement différents est mise en avant et les synthèses régionales se développent dans de nombreuses régions d’Europe entre 1950 et 1980.
Ces travaux présentent de réels essais d’approche globale et de mise en contexte du Campaniforme (assortis d’inventaires très complets) dans une région donnée et, dans ce domaine, le Midi de la France fut particulièrement privilégié avec les travaux de J. Guilaine sur les Pyrénées et de J. Courtin pour la Provence puis de J.L. Roudil et X. Gutherz pour le Languedoc oriental.

Dans le même temps, les groupes régionaux sont séparés chronologiquement du Campaniforme « international » aux formes et décors très standardisés à travers l'Europe.

Après quelques essais pour faire du Campaniforme international une émanation d’un groupe régional ibérique, la tendance s’inverse et une périodisation du Campaniforme, qui deviendra classique, est proposée par J. Guilaine pour les Pyrénées de l’Est en 1967 puis pour le Midi de la France en 1976.
La périodisation établie est présentée en 4 phases :

Phase 1 : Phase ancienne comprenant les styles cordé, international et mixte.

Phase 2 : Phase « de transition » dont les décors au peigne réalisent une combinaison du décor international avec de nouveaux thèmes.

Phase 3 : Phase récente marquée par des groupes régionaux (Pyrénéen, Rhodano-Provençal…). Le décor incisé et estampé domine sur le décor au peigne toujours présent.

Phase 4 : Phase épicampaniforme où les décors de tradition campaniforme sont barbelés, incisés ou imprimés.

D’autres périodisations du même type voient ensuite le jour dans diverses régions d’Europe.
Cette démarche a permis de mieux connaître le mobilier campaniforme et ses contextes de découverte, mais en même temps, par une explosion numérique du corpus, de rajouter à la confusion quant à la signification possible du Campaniforme.

La genèse complexe des ensembles campaniformes régionaux est alors envisagée d’une façon nouvelle, plus théorique par A. Gallay, mettant en avant la pluralité des origines des différents éléments, en terme de réseaux.
L’approche théorique des données a permis d’isoler les différentes composantes qui définissent généralement le Campaniforme dans les différentes régions et de les organiser en même temps sur un plan géographique et chronologique. Il en résulte la mise en évidence de 5 puis 6 réseaux correspondant aux différents éléments du complexe campaniforme.

Les hypothèses sur la signification du Campaniforme s’écartent alors des notions de cultures, civilisations, populations, pour devenir plus conceptuelles jusqu’à la proposition du « Crémade Model » par C. Strahm et l'école allemande qui envisage le Campaniforme comme un mode d’expression ou une idéologie.
Concernant la nature du Campaniforme, le nombre d’interprétations est proportionnel à la répartition des vestiges, à leurs variantes géographiques et à leurs divers contextes de découverte : considéré tour à tour comme une culture à part entière et comme un phénomène indépendant et juxtaposé aux cultures locales, le Campaniforme ne se définit finalement que comme une « énigme », comme dans le titre d'un article d'A. Gallay.
C. Strahm considère que le Campaniforme est avant tout une idéologie (religieuse, économique, politique et sociale) née en opposition de celle développée par la culture Cordée d'Europe centro-septentrionale. L’examen des rites funéraires et des fameux « sets » ou « packages » liés à ces dépôts, semble en effet corroborer cette hypothèse. C’est cette idéologie qui ferait alors l’objet d’une diffusion, plus que les objets eux-mêmes, créant des liens entre certaines personnes et/ou populations.
C’est à partir de cette diffusion que seraient apparues dans diverses régions et à divers moments de la chronologie de véritables cultures matérielles campaniformes, par acculturation, correspondant donc à des cultures indigènes « campaniformisées » où le statut initialement particulier des objets du « set » aurait été perdu.

La dernière décennie a vu, à côté du développement de ces essais théoriques, l’amorce d’un retour à l’étude des séries elles-mêmes et je ne citerai ici que quelques travaux francophones parmi un très grand nombre d'études.
Il s’agit tout d’abord de nouvelles études sur la céramique décorée, abordée principalement sous l’angle technique par la caractérisation des pâtes (avec les travaux de F. Convertini, le languedocien de l'étape) et celle des décors par L. Salanova à Paris ;
Mais aussi du développement d’études sur des types d’objet jusqu’alors grandement délaissés par les chercheurs, comme la céramique non décorée par M. Besse à Genève ou l’industrie lithique par M. Bailly à Besançon et R. Furestier à Aix-en-Provence.

Un siècle et demi après les premières découvertes et après un siècle de recherches et de théories tantôt acceptées comme des dogmes et tantôt rejetées, les mêmes problématiques sont toujours d'actualité :

Quelle est l'origine géographique du phénomène campaniforme ?

Comment se produit la diffusion des gobelets et des objets qui leur sont associés ?

Quand se phénomène commence-t-il ? et à quel moment se répand-il dans les différentes régions qu'il affecte ?

Pourquoi existe-t-il plusieurs styles de céramique campaniforme dans une même région ? Et quelle est l'histoire, la périodisation de ces différents campaniformes dans les régions concernées ?

Enfin évidemment, que "sont" (entre guillemets) ces gobelets ? que représentent-ils ? que contiennent-ils ? ou à quoi servent-ils ? pour avoir connu un tel succès.

Le sud-est de la France a bénéficié à la fois d'une découverte précoce d'éléments campaniformes dès le XIXe siècle, dans les allées couvertes de Fontvieille, près d'Arles, pour ne citer qu'un exemple célèbre, et aussi de très nombreuses recherches récentes portant sur des sites très nombreux qui en font l'une des régions campaniformes les plus riches d'Europe.

Le cadre géographique de l'étude a été défini à partir de l'extension géographique d'un des styles régionaux du Campaniforme que j'ai évoqué précédemment et qui a été appelé le groupe Provençal ou Rhodano-Provençal et parfois groupe du Bois Sacré.

Ce Campaniforme rhodano-provençal correspond à un style de céramique décorée identifié relativement tardivement par J. Courtin comme le groupe régional Provençal.

Aucune définition complète et précise n’a été proposée pour le groupe campaniforme rhodano-provençal.
Ces principaux traits caractéristiques ont cependant été observés depuis la fin des années 60. Il est ainsi possible, à partir des travaux de J. Courtin, J.L. Roudil, X. Gutherz et H. Barge-Mahieu, d’en préciser les caractères principaux.
Ce groupe régional est essentiellement marqué par sa céramique et plus précisément par ses décors céramiques.
Il s’agit donc, avant tout, d’un style.
La première spécificité de ces décors est leur technique de réalisation qui allie généralement sur le même vase, l’incision et l’estampage.
Les motifs estampés caractéristiques sont de forme ronde, ovale, carrée, mais surtout triangulaire et losangique.
La seconde spécificité est la disposition de ces motifs estampés en lignes serrées, successives et généralement décalées et/ou opposées qui donnent un effet qualifié, le plus souvent, de « pseudo-excisé ». 
Les formes de cette céramique, outre le gobelet de forme classique ou dérivée, sont principalement des formes basses et ouvertes (bols, écuelles, jattes…).

Historiquement, c’est tout naturellement en Provence, qu’a été caractérisé ce groupe baptisé « provençal ».
L’épicentre de la concentration de gisements attribuables à ce groupe semble se trouver dans la basse vallée du Rhône, principalement dans les départements des Bouches-du-Rhône, du Vaucluse, de la Drôme en rive droite et dans le Gard et l’Ardèche en rive gauche.
Dans ces départements, la répartition se concentre à proximité de la vallée du Rhône elle-même et le long des principaux affluents du Rhône ou des voies principales de circulation.
En rive droite, la grande densité de sites dans la zone rhodanienne, la région nîmoise et le long des principales s’estompe très rapidement.
En rive gauche, en revanche, au-delà de la concentration rhodanienne et des transversales de la Drôme et de la Durance, une extension du groupe vers l’Est à partir de l’embouchure du Rhône est remarquable, le long des Alpilles, tout autour de l’étang de Berre dans les Bouches-du-Rhône et jusque dans le Var et les Alpes-Maritimes.
En remontant la vallée du Rhône les sites de ce groupe sont présents jusqu’à la vallée de l’Isère.
Avec près de 90 sites actuellement recensés et concentrés aux abords immédiats de la vallée du Rhône avec une extension en Provence intérieure, ce groupe stylistique justifie pleinement l’appellation retenue de « groupe Rhodano-Provençal ». 

Dans la région ainsi définie, plus de 300 sites, peut-être 315 ou 320 actuellement connus, ont livré des vestiges de céramiques ou d'objets caractéristiques du Campaniforme.

Et pour finir cette petite introduction : une image pour vous signaler que peu de préhistoriens de cette région n’ont pas travaillé à un moment ou à un autre de leur carrière sur le Campaniforme.

Nous allons maintenant voir un bilan documentaire du Campaniforme dans cette région.

En commençant, bien sûr par la céramique décorée.
On peut estimer à un minimum absolu de 1140, le nombre de vases campaniformes décorés actuellement connus dans le sud-est de la France, qui ne prend pas en compte plusieurs sites importants pour lesquels nous n'avons pas pu avoir de décompte. Depuis cette évaluation j’ai pu reprendre un décompte estimé à 1443 vases…

Les décors de la céramique campaniforme dans le sud-est de la France sont marqués par une grande diversité. Cette diversité est fonction à la fois des techniques de réalisation et de la grammaire décorative, c’est-à-dire des motifs et de leur organisation.

La définition des styles décoratifs tient compte de l’outil utilisé et de différents niveaux de la grammaire descriptive.
Le niveau d’observation le plus efficient est généralement celui du thème qui peut être complété par d’autres informations lorsque cela est nécessaire (sens, disposition…).
Ces thèmes ont été regroupés en « thèmes principaux » qui associent le thème et la technique de réalisation.
Ces thèmes principaux sont eux-mêmes répartis en 6 groupes de décors correspondant aux techniques de réalisation (thèmes cordés, thèmes cordés et pointillés, thèmes pointillés, thèmes estampés, thèmes incisés et thèmes barbelés).

Et voici les thèmes présents dans le Campaniforme du sud-est de la France.

L'une des questions importantes était celle de l'autonomie des différents styles reconnus anciennement par J. Guilaine et J. Courtin.

Pour y répondre, nous avons observé la distribution des thèmes décoratifs sur les sites.

La distribution de ces thèmes sur les sites et les diverses associations sur les vases permettent de définir une série de styles décoratifs. La plupart de ces styles ont été reconnus et définis depuis plusieurs décennies. Il est intéressant d’observer qu’ils résistent bien à la synthèse d’environ 245 sites ayant livré de la céramique décorée.

Ces styles sont définis en fonction des thèmes principaux qui associent les motifs et leur technique de réalisation :

Le style linéaire à la cordelette
Le style linéaire à la cordelette comprend les décors réalisés uniquement par impression de cordelette. Il s’agit des décors présentant des lignes plus ou moins équidistante couvrant le vase ou une portion importante du vase.
Les décors réalisés à la cordelette comprennent aussi des variantes présentant des bandes de lignes séparées par des bandes réservées (lisses). Ces lignes sont groupées par deux, trois ou quatre. La présence de cordelette en S et de cordelette en Z, parfois utilisées ensemble, est notable.

Le style linéaire pointillé
Nous avons regroupé les thèmes pointillés linéaires dans une même rubrique pour la description des thèmes. Le style linéaire pointillé comprend uniquement les décors composés de lignes pointillées serrées ou espacées et les décors de bandes de lignes horizontales. Les bandes de lignes, séparées de bandes réservées, peuvent grouper deux ou trois lignes.    

Le style international ou pointillé hachuré
Il comprend les décors de bandes hachurées pointillées. Les bandes réellement jointives ne sont pas présentes dans la région d’étude. Elles sont généralement séparées de bandes réservées. Dans quelques cas, elles peuvent former des groupes de deux bandes jointives, séparés de bandes réservées. Le sens des hachures est variable et peut, d’une bande à l’autre, être répété ou alterné.

Le style international mixte
Il rassemble les décors comprenant à la fois des lignes pointillées et des lignes réalisées à la cordelette. Il s’agit dans tous les cas de bandes, généralement séparées de bandes réservées ou groupées par deux, décorées de hachures obliques réalisées au peigne ou à la coquille et dont les limites sont composées d’une à deux lignes réalisées à la cordelette. Dans plusieurs cas, les bandes réservées sont recoupées d’une ou deux lignes horizontales réalisées à la cordelette.

Le style « pointillé géométrique »  ou dérivé de l’international
Il comprend des décors pointillés réalisés au peigne ou à la coquille et présentant, outre les bandes hachurées et les lignes horizontales, un nombre limité de motifs géométriques généralement hachurés et disposés en lignes ou en bandes en position horizontale et parfois en position verticale dans le cas de décors rayonnants.
Ces motifs sont des bandes hachurées verticalement (en échelle) ou présentant des groupes de hachures verticales ou obliques disposés en métopes, des lignes de chevrons  (simples, multiples, juxtaposés, imbriqués…).
Le thème le plus courant est la ligne de triangles hachurés, pouvant être simple (pointes en haut, ou pointes en bas) ou associée à d’autres selon diverses modalités, le plus souvent inversées et décalées ménageant une ligne brisée (chevrons) réservée.

Ce style pointillé peut présenter des lignes de motifs estampés, généralement simples. L’organisation sur le vase présente souvent l’association de plusieurs thèmes.

Le style pointillé complexe
Nous distinguons ici un style pointillé, réalisé au peigne (ou à la coquille ?) présentant des décors géométriques variés sur un même vase, où les thèmes de bandes hachurées sont généralement absents et la composition proche de celle des vases à décor incisés et estampés. Ce style peut lui aussi associer des lignes d’estampages. Les décors disposés en registres horizontaux peuvent présenter des métopes et des décors rayonnants.

Le style incisé et estampé
Il comprend des décors en registres horizontaux pouvant être couvrant ou présenter des bandes et espaces réservés. Les décors rayonnants sont bien présents sur les formes basses. Les bandes et groupes de bandes ornées sont limitées par de lignes ou des groupes de lignes incisées.
Le thème récurrent est la bande, limitée de lignes incisées, et hachurée perpendiculairement par de courtes incisions ou impressions, donnant un motif en échelle.
Le remplissage des autres types de bandes est constitué de lignes généralement multiples de motifs estampés. Les motifs estampés les plus courants sont le triangle et le losange, mais toutes les formes géométriques peuvent être présentes. Ces lignes parfois inversées de motifs pouvant être décalés définissent un type de décor donnant un effet d’excision. Ce décor a parfois été considéré comme un style à part entière nommé « pseudo-excisé ».
Certains vases décorés dans ce style peuvent présenter une partie du décor pointillé, réalisé au peigne ou à la coquille. Et des décors incisés de ce style peuvent présenter des lignes courbes, contournant une préhension.

Le style incisé
Les décors incisés ne définissent pas réellement un style, car ils s’insèrent souvent dans des décors techniquement mixtes (incisés et estampés, incisés et barbelés et plus rarement incisés et pointillés). Certains vases présentent cependant des décors réalisés uniquement par incision.
Les thèmes récurrents sont les lignes ou les bandes de lignes, les franges, les chevrons et toute une série de motifs hachurés, quadrillés et croisillonnés : principalement des bandes (les échelles incisées) mais aussi des triangles.

Le style incisé et barbelé
Il présente sur les mêmes vases ou des vases associés les principaux thèmes du style incisé associé à des décors réalisés au moyen d’un peigne fileté : décors barbelés.
Les thèmes comprennent des lignes et des bandes de lignes, parfois courbes pour contourner une préhension. Les thèmes de chevrons de divers types sont bien représentés ainsi que les thèmes de bandes et de motifs géométriques quadrillés ou croisillonnés plutôt que hachurés. Peuvent s’y associer dans certains cas des lignes de motifs estampés.

Les décors à l’ongle et digités
Les décors réalisés à l’ongle ou au doigt affectent des vases de types très différents, classés tantôt dans la céramique décorée campaniforme, tantôt dans l’ensemble de la céramique d’accompagnement. Les décors digités peuvent s’associer dans certains cas à des décors géométriques au peigne, ou à des décors incisés et estampés. Les décors réalisés à l’ongle présentent des organisations variées, en lignes, en lignes verticales doubles, disposées en épis, ou des dispositions aléatoires. Ils semblent s’associer à la céramique décorée du style pointillé géométrique.

La composition des assemblages et l’autonomie des styles

Ces styles montrent des associations récurrentes au sein des assemblages. Elles permettent de définir 4 types principaux d’assemblages stylistiques :

Le style 1 regroupe le style linéaire à la cordelette, le style linéaire pointillé, le style international (ou pointillé hachuré) et le style international mixte (pointillé et cordé).

Le style 2 correspond au style dérivé de l’international (pointillé géométrique) auquel sont souvent associés des décors du style 1 comme le style pointillé linéaire et le style international. S’y associent les décors à l’ongle.

Le style 3 comprend le style incisé et estampé auquel s’ajoutent des décors de type pointillé complexe et des décors de style incisé. Des décors digités, rares, peuvent être présents.

Le style 4 est composé du style incisé et barbelé et de décors de style incisé.

La distribution de ces différents styles sur les sites permet d’envisager leur autonomie les uns par rapport aux autres. Plusieurs distributions ont été réalisées, en prenant en compte des catégories intermédiaires pour les objets non attribuables puis en supprimant les contextes par nature hétérogènes comme les dolmens et les séries représentées par un seul vase.

La distribution des styles présents dans les diverses occupations montre une grande autonomie de chaque style par rapport aux autres, à l’exception des rapports importants entre les styles 3 et 4.

L'examen des différentes situations d’associations entre les styles céramiques sur les sites du sud-est de la France montre très nettement que ces styles définis sont très rarement mélangés. Et les rares cas d’associations observés peuvent être rapportés à des remaniements dans des contextes particuliers comme les sépultures collectives à longue durée d’utilisation, et certains sites perchés de topographie remarquable eux aussi longuement occupés à toutes les périodes.
A l’inverse, les rares ensembles clos, comme les sépultures individuelles, et les habitats présentant un unique sol d’occupation ne livrent presque jamais d’associations de vases de styles différents dans cette région.

Nous avons vu les décors de la céramique, nous allons maintenant passer rapidement sur les morphologies des vases.

Les formes des céramiques campaniformes décorées sont peu nombreuses. L’impression de diversité est due à un certain nombre de variations autour d’un petit nombre de thèmes morphologiques.
Cependant, la très importante fragmentation de la céramique campaniforme ne permet sans doute pas de reconnaître la totalité des formes réalisées. Certains fragments témoignent de la présence de formes décorées atypiques mais ils demeurent très rares.

On distingue donc :

Les formes hautes

Il s'agit des Gobelets,

De bouteilles
Et de Pots et pichets (gobelets hauts à anse)

Les formes basses

Il s'agit de Bols
D'écuelles qui peuvent être à profil continu ou segmenté
Et de Tasses (gobelet bas à anse)

Quelques objets évoquent la présence de morphologies inhabituelles, comme un piédestal et des pieds cylindriques de vases polypodes.

Les moyens de préhensions

Les préhensions sont à la fois peu diversifiées et peu nombreuses en regard des productions des groupes de la fin du Néolithique. Les préhensions sont absentes des gobelets de forme classique et affectent soit des gobelets et tasses de morphologie particulière, soit des formes basses.

Les préhensions simples, de type néolithique final, sont peu nombreuses. On note cependant la présence de quelques boutons et mamelons sur des céramiques décorées campaniformes.

Les anses sont beaucoup plus nombreuses. Elles sont absentes des séries à décors pointillés et cordés pour apparaître très nombreuses dans les séries à décor incisé et estampé et incisé et barbelé. Il est possible de distinguer plusieurs types d’anses.
Les anses en boudin sont présentes mais rares. Il s'agit surtout d'anses en ruban qui appartiennent au style 3 et au style 4.

La variété des dispositions de décor des styles incisé et estampé, incisés et barbelés et dans une moindre mesure des styles pointillé complexe et pointillé géométrique s’oppose aux constantes des décors internationaux, cordés, linéaires et mixtes.
Dans les styles pointillés géométriques, pointillés complexes et incisés et estampés, le décor n’est pas forcément disposé uniquement en registres horizontaux. Sont aussi présents des décors de bandes verticales qui joignent entre elles des bandes horizontales ou, le plus souvent, sont organisées à partir du fond en décor rayonnant.
Cette disposition particulière semble avoir connu un certain succès dans le sud-est de la France, et, même si la fragmentation interdit souvent toute restitution, les cas restituables montrent une grande variété de décors de ce type.

Nous allons maintenant voir quels types de céramique non décorée s'associent aux vases ornés et à chacun de leurs styles.

Ne sont considérés ici que les types céramiques qui ne peuvent pas être directement attribués à des groupes du Néolithique final local, même si certains présentent des affinités notables avec des traditions régionales.

Les céramiques fines non décorées

La céramique fine non décorée comprend l’ensemble des vases dont les types morphologiques et les dimensions sont identiques ou proches de la céramique décorée.
Il s’agit donc d’une céramique de dimensions petites à moyennes présentant un traitement plus ou moins soigné et typologiquement attribuables à des gobelets, des bols et des écuelles auxquels nous avons ajouté les coupes polypodes (forme exceptionnelle dans le sud-est).
Ces types correspondent, autant que l’on puisse en saisir la fonctionnalité, à des vases à boire (ou manger), à servir ou à présenter, souvent identiques aux objets décorés. Ils excluent les récipients de grandes dimensions et la céramique fruste.

Les gobelets non décorés sont bien présents au sein des séries campaniformes.
Ils sont actuellement absents des contextes qui ont livré des ensembles homogènes de style cordé, pointillé linéaire, international et mixte, à notre connaissance. Ils sont en revanche connus en association avec tous les autres styles.

Les bols sont aussi absents des séries de style cordé, pointillé linéaire, international et mixte. Ils sont bien présents dans les séries de style pointillé géométrique et incisé-estampé, mais plus dans les séries barbelées.

Les écuelles non décorées présentent une répartition strictement identique à celle des bols. Des écuelles non décorées à profil galbé ou caréné, présentant des fonds de divers types se trouvent dans plusieurs séries homogènes et bien connues pour chacun des styles de la céramique décorée à l’exception du groupe incisé et barbelé.

Vases polypodes

Les vases polypodes ne sont représentés que par quelques exemplaires dans la vallée du Rhône et à Nîmes découverts très récemment.

Les céramiques communes maintenant :

Les céramiques communes sont les séries de vases de moyennes à grandes dimensions généralement, mais pas obligatoirement, de réalisation peu soignée, pouvant correspondre à des fonctions de cuisson et surtout de conservation. Il s’agit de morphologies spécifiques ne présentant généralement pas de décors (autre que des cordons et des éléments de préhension pouvant peut-être avoir un caractère ornemental). Ces céramiques comprennent une grande variété de types.

Les productions associées aux styles cordés, pointillé linéaire, pointillé international et mixte

Comme c’est le cas pour les céramiques fines, aucune série des styles cordé, pointillé linéaire, international et mixte, n’a actuellement livré de céramiques communes qui pourraient être considérées comme spécifiques. Il s’agit exclusivement, pour ces séries, de céramiques faisant référence aux cultures locales de la fin du Néolithique. Nous y reviendrons dans la partie concernant les contextes de découvertes.

Les productions associées au style pointillé géométrique

Si on met de côté les céramiques attribuables aux groupes de Fontbouisse et Rhône-Ouvèze, plusieurs éléments peuvent être mentionnés : il s’agit d’une série de vases de moyennes dimensions, plus ou moins fortement galbé mais présentant un profil en S et un bord redressé. Les fonds semblent assez souvent aplatis et parfois plats.
Les caractères des pâtes et les traitements accordés à cette céramique permettent de la considérer comme appartenant à la même production que les céramiques décorées campaniformes et certaines céramiques décorées rhône-ouvèzes.
Il s’agit donc bien d’une céramique spécifique résultant d’un mixage entre morphologies locales et traits campaniformes.

Les productions associées au style incisé et estampé

Les vases de moyennes dimensions sont de morphologies variées. Dans les séries du Verdon, les formes ouvertes et droites sont assez nombreuses et les profils continus semblent majoritaires.
Les lèvres sont fréquemment aplaties et parfois ourlées ou épaissies vers l’extérieur. Les fonds, non reliés aux formes en l’absence de remontages exhaustifs, sont sans doute plats, considérant leur fréquence et leur diamètre qui peut être mis en relation avec ces vases. Les préhensions sont peu nombreuses.
Il s’agit de mamelons de forme ovalaire ou de boutons disposés au contact de la lèvre ou  sur le bord.
La présence de formes galbées à profil en S, très semblables à celles décrites pour le style précédent, est remarquable.

Les grands vases présentent plusieurs ensembles morphologiques.
La présence de fragments de fonds plats de grandes dimensions témoigne de la présence de grandes jarres à fond plat, mais leur nombre ne permet d’attester que de la prédominance de ce type : des fonds ronds sont sans doute présents.
Les lèvres sont le plus souvent aplaties et parfois épaissies à l’extérieur mais peuvent aussi être arrondies.
Les formes sont assez droites, mais des vases à parois convergeantes ou divergeantes sont aussi présents.
Quelques vases à parois assez verticales ne portent pas de cordons. Il peuvent présenter un mamelon de préhension sous le bord.
L’essentiel de la série est constitué de jarres de moyennes dimensions présentant un cordon en position pré-orale ou directement rattaché à la lèvre. Ces cordons peuvent être de section semi-circulaire mais plus généralement triangulaire et parfois anguleux.

Les jarres à perforations en ligne associées à un cordon pré-oral de section triangulaire ne sont présentes qu’en trois exemplaires dans les grottes des gorges du Verdon. Elles sont malgré tout nombreuses dans le sud-est de la France et représentées dans tous les secteurs géographiques où le Campaniforme Rhodano-Provençal est implanté. Aucun vase de ce type n’a été mis au jour en contexte avec un autre style décoratif campaniforme.

Pour la rive ouest du Rhône, les jarres à cordon pré-oral ou à lèvre épaissie et éventuellement à perforations en ligne sont présentes sur les deux sites et s’associent à une céramique décorée identique à celle connue en rive gauche du Rhône. Certains sites présentent cependant des spécificités.

Les productions associées au style incisé et barbelé

Les céramiques de moyennes dimensions offrent des morphologies variées, à parois convergeantes ou divergeantes, avec des formes restituables en pot à fond plat ou tronconique mais aussi sub-hémisphériques à fond rond.
Les lèvres sont arrondies ou aplaties et les préhensions représentées par des mamelons et de nombreuses anses en boudin ou plus généralement en ruban.
Les céramiques de grandes dimensions présentent quelques traits communs avec celles du Campaniforme incisé et estampé.
Il s’agit majoritairement de jarres de taille moyenne présentant un cordon lisse pré-oral de section triangulaire. Les lèvres sont aplaties et les préhensions disposées sur les cordons sont essentiellement représentées par des mamelons ou des languettes perforées verticalement.
Les morphologies sont en revanche plus systématiquement fermées que droites ou ouvertes. Les cordons doubles sont plus fréquents. Le décor digité apparaît, sans être fréquent, sur les cordons et sur les lèvres. Les fonds sont probablement très majoritairement plats.

En fonction de ces observations, la céramique campaniforme du sud-est de la France comprend plusieurs ensembles distincts.

Un premier ensemble comprend les céramiques décorées dans les styles cordé linéaire, pointillé linéaire, international et mixte. Il s’agit presque exclusivement de gobelets à décor couvrant. Aucune céramique fine ou commune, non décorée, spécifique n’a pu être observée en association avec ces vases.
Les aspects technologiques de cet ensemble sont méconnus, en l’absence d’analyses. Le cas du gobelet de La Fare indique cependant une tradition technique différente de celle des groupes locaux du Néolithique final.

Le deuxième ensemble correspond essentiellement au style décoratif pointillé géométrique (dérivé de l’international) auquel sont associés, dans une moindre proportion, des vases décorés dans les styles du premier ensemble. Les morphologies sont plus variées avec la présence de bols et d’écuelles à côté des gobelets. D’autres formes sont sans doute présentes avec de rares exemplaires d’objets inhabituels (comme le piédestal de la Place du Palais).
Une céramique fine non décorée est présente dans les assemblages. Il s’agit généralement de formes basses comme des bols et des écuelles, mais des gobelets lisses sont aussi représentés.
Une céramique commune peut sans doute être associée à cet ensemble. Il s’agit essentiellement de formes connues dans les groupes locaux du Néolithique final, qui présentent cependant certains traits inédits comme l’apparition en nombre de fonds plats.
Technologiquement, l’ensemble de cette production décorée et non décorée semble relativement homogène sur les sites dont les séries ont été analysées.

Le troisième ensemble se compose d’une céramique très homogène et cohérente. La céramique décorée est de style incisé et estampé (groupe rhodano-provençal).
Certains décors au peigne sont présents soit sur des vases spécifiques soit associés à des décors incisés et estampés sur les mêmes vases. Dans les deux cas, ces décors présentent des motifs de type rhodano-provençal. Quelques rares exemplaires, comme à la grotte Murée montrent cependant des thèmes de style international réalisés au peigne mais associés avec des thèmes de style rhodano-provençal et sur des formes de style rhodano-provençal. Les morphologies des céramiques décorées sont diversifiées, comme pour l’ensemble précédemment décrit, et s’y ajoutent encore des formes nouvelles telles que les bouteilles. Les formes basses sont très nombreuses.
La céramique fine non décorée est présente et reprend toutes les formes du corpus orné. Une céramique commune spécifique est identifiée. Elle comprend toutes les catégories de récipients et semble assez diversifiée. Les traits communs les mieux connus, pour l’ensemble des sites, concernent certaines catégories de récipients et des caractères morphologiques ou stylistiques. Il s’agit surtout des jarres à fond plat, de dimensions généralement moyennes, qui présentent un cordon de section triangulaire en position pré-orale parfois associé à une ligne de perforations. Certains caractères comme les lèvres aplaties ou épaissies, très rares dans les ensembles antérieurs, semblent récurrents. Certains vases de petites à moyennes dimensions font cependant référence à la céramique commune du style 2 et dans une certaine mesure à des éléments du Néolithique final.

Cette dernière observation et celle concernant l’emploi du peigne pour certains décors montre les relations qui unissent cet ensemble à celui du style pointillé géométrique. Les approches technologiques semblent aller dans le même sens, en montrant des situations contrastées, dans le choix des dégraissants, pour les différentes zones de la région étudiée.

Le quatrième ensemble correspond au style incisé et barbelé. Si certains aspects des thématiques décoratives sont très proches des productions du groupe Rhodano-Provençal, la technique de réalisation des décors caractéristiques aussi bien que les morphologies des récipients ornés et l’aspect même de ces productions en font un ensemble particulier et assez homogène.
Les vases décorés comprennent des gobelets et des tasses à anse de morphologie particulière. Les formes basses semblent peu nombreuses à absentes.
Les formes non décorées comprennent une céramique fine de morphologie identique à la céramique ornée, mais il est possible de remarquer surtout la présence de décor sur des vases beaucoup plus frustes que dans les autres ensembles où ce cas semble très minoritaire. La céramique commune est abondante et présente diverses catégories de récipients de dimensions et de morphologies variables. Certains types de jarres à cordon pré-oral très proches de ceux connus dans l’ensemble du style 3 voisinent avec des morphologies spécifiques.
Les aspects technologiques sont encore en cours d’étude mais semblent présenter, comme pour l’ensemble précédent, des situations contrastées selon les séries.

Nous allons maintenant voir les autres vestiges mobiliers et expressions culturelles associés au Campaniforme dans le sud-est de la France : les outillages, les parures et les "manifestations artistiques et symboliques".

L’outillage lithique est généralement abondant sur les sites qui livrent de la céramique campaniforme, comme sur tous les gisements de la fin du Néolithique du sud-est de la France.

Les observations qui ont pu être réalisées sur les principales séries provençales et qui semblent confirmées pour le Gard montrent deux types d’approvisionnements distincts pour les matières premières lithiques.
Le premier concerne l’essentiel de l’outillage et la quasi totalité des objets en silex ; il s’agit d’un approvisionnement local ou sub-local. Il est aussi caractérisé par une grande variabilité de la qualité et une faible diversité des matériaux. C’est bien la proximité qui semble avoir été privilégiée, contrairement à ce qui est observé pour d’autres cultures ou d’autres périodes.
Ces matériaux sont apportés sur le site sous la forme de blocs, de rognons ou de gros éclats.
Le second type d’approvisionnement concerne un très petit nombre d’objet. Il est caractérisé par des apports régionaux ou supra-régionaux, et ne se remarque que pour des objets très particuliers comme les grandes lames et les poignards. Il s’agit, dans ce cas, de produits finis, et l’absence des autres éléments de la chaîne opératoire indique probablement l’acquisition d’objets particuliers et non un réel approvisionnement en matière première. Il s'agit dans ces cas là du silex oligocène de Forcalquier, et de rares éléments en silex du Grand Pressigny et de Vassieux-en-Vercors.

La chaîne opératoire lithique récurrente du Campaniforme est orientée vers la production d’éclats. Même si les lames et lamelles n’ont pas totalement disparu des séries.
La technique la plus représentée pour l’obtention des éclats serait le débitage à la pierre dure sur des nucleus petits et épais. Le débitage à la percussion directe tendre et la percussion indirecte sont cependant présents.
La production d’éclats ne semble pas orientée vers une quelconque standardisation. C’est la productivité qui est privilégiée.

Les outillages se composent de quelques types récurrents.
L’outil dominant est le grattoir. Il est généralement simple et réalisé sur éclat petit et épais.
La pièce esquillée serait le second type d’outil, en nombre. Selon les remarques de R. Furestier, il ne s’agit ni d’un mode de débitage, ni d’un réel outil, c’est le support lui même qui est l’outil et l’esquillement n’est que le stigmate de ce que certains appellent un outil a posteriori.
Les armatures constituent, en quantité, un groupe aussi important que les pièces esquillées. Elles présentent une grande variété morphologique d’où ressortiraient deux types récurrents dans les séries campaniformes : les armatures à pédoncule et ailerons équarris et les armatures cordiformes. Toutes les autres morphologies semblent présentes, comme les types de retouches très variés. L’investissement technique, qui peut parfois être important, est souvent minimaliste.
De grandes pièces bifaciales sont présentes et parfois dans des proportions très importantes.
Les segments de cercle, considérés comme très spécifiques du Campaniforme, à la fin du Néolithique, sont bien présents dans le sud-est mais demeurent relativement rares puisque signalés sur seulement une douzaine de gisements. Sur ce nombre, seulement 8 ont livré de la céramique décorée, généralement du style 3, ou présentant plusieurs styles. La répartition géographique est très méridionale et semble exclure en grande partie le Languedoc oriental.
Les autres types d’outils classiques à la fin du Néolithique sont toujours présents mais dans des proportions bien moindres : racloirs, coches et perçoirs. Le burin est en revanche très rare dans les séries.

L’outillage lithique poli

Malgré l’apparition à cette époque de haches en cuivre, encore très rares, l’outillage en pierre polie ne disparaît pas, même s’il présente une certaine régression pour l’ensemble du Néolithique final / Chalcolithique,  par rapport aux ensembles du Néolithique moyen dans le Midi de la France.
Il n'est pas possible d'observer des spécificités notables ni dans les matières premières, ni dans la typologie des outils.
Une diminution importante du nombre d’outils, une diminution de la taille des objets importés et une plus grande variété des approvisionnements locaux ne sont remarquées par les spécialistes qu’à l’échelle de l’ensemble de la période.

Les outillages en matières dures animales

Les matières premières osseuses utilisées représentent des espèces diverses.
Les petits ruminants indéterminés sont nettement majoritaires et pour ceux qui ont pu être discriminés, il s’agit de caprinés. Viennent ensuite des animaux de moyenne et de grande taille non déterminés, du cerf, des grands ruminants et des cas uniques d’outillage sur cheval, sur ours et poisson. Il s’agit donc probablement essentiellement d’animaux domestiques même si des espèces chassées ont été utilisées.

Dans les séries campaniformes, seulement 20 types ou sous-types d’outils ont été identifiés.
Les poinçons sont les outils dominants, les biseaux, lissoirs et autres objets sont anecdotiques.

Voyons maintenant les objets, les outillages et les armes métalliques.

Pour la fin du Néolithique, la répartition géographique des objets métalliques connus montre très nettement une concentration en Languedoc, alors que la région provençale et les zones rhodaniennes et alpines semblent presque vides de métal. Cette répartition serait même encore plus déséquilibrée en considérant non la répartition des objets, mais leur nombre ou leur poids.
Parallèlement, si J. Courtin pouvait rapporter au milieu des années 70, « la plupart, si ce n’est la totalité » des objets métalliques provençaux au Campaniforme, il remarquait déjà la précocité du Languedoc où les objets en métal sont présents « en milieu indigène ».
Depuis, la métallurgie languedocienne a fait l’objet de nombreux travaux et c’est maintenant  probablement le dernier tiers du quatrième millénaire, au plus tard la fin de celui-ci, qui est évoqué pour son développement, dans le secteur de Cabrières dans l’Hérault. Cette métallurgie du Néolithique final ancien, puis contemporaine du début du groupe de Fontbouisse, est strictement antérieure au Campaniforme.

L’essentiel des objets métalliques associés aux contextes campaniformes dans le sud-est de la France est supposé en cuivre par les découvreurs, les analyses disponibles demeurant excessivement rares.
Le bronze est représenté pour des alênes losangiques, une hache, un poignard à rivets et une épingle. Ces objets sont, sans doute, à rattacher typologiquement au début de l’âge du Bronze en contexte à céramique à décor barbelé ou remaniés dans des niveaux antérieurs.
Les autres métaux demeurent très rares. Les perles en plomb, nombreuses en Languedoc dans des contextes du Ferrières et du Fontbouisse, sont très rares en Provence..
L'argent n'est représenté que par un unique objet et l'or sur seulement 3 sites campaniformes sur la région étudiée. Les contextes funéraires et collectifs rendent de surcroît, ces attributions délicates.
Les analyses métallographiques disponibles montrent une grande variété de composition des cuivres.

La typologie des objets métalliques en contexte campaniforme est relativement réduite. Il s’agit de quelques types d’objet très stéréotypés, mis à part les poignards qui semblent posséder une variabilité plus importante.

Les alênes et aiguilles représentent un type d’objet très répandu dans les contextes campaniformes. Elles se divisent en trois grands groupes : les alênes de section carrée, les alênes losangiques et les aiguilles et tiges, très souvent fragmentaires et difficiles à interpréter.

Les alênes sont quasi systématiquement des objets bipointes de section carrée, dont la fonction reste indéterminée, mais que de rares exemplaires emmanchés dans un tube en os classent dans les outils plutôt que dans les parures de type piercing. Leur répartition montre une concentration en Languedoc oriental et dans une moindre mesure en Provence occidentale, ce qui n’est pas confirmé dans les publications des sites campaniformes du Languedoc.
Ces alênes s’associent à tous les styles de céramique décorée. Les alênes losangiques doivent, en revanche, être rattachées au Bronze ancien et sont présentes sur plusieurs sites à céramique à décor incisé et barbelé.

Les armatures sont presque absentes des contextes campaniformes. Les fameuses pointes de Palmela se limitent à trois objets mentionnés dans le sud-est de la France.

Les poignards en contexte fiable sont peu nombreux. Un tout petit groupe se distingue comprenant les poignards de la Balance à Avignon et du tumulus du Serre d’Aurouze à Soyons, de morphologie identique (bien que de nature métallographique différente) et les lames relativement grandes de l’hypogée de Bounias et de la tombe de Verna, de morphologie différente.
Ces quatre objets font référence à des ensembles importants connus sur la Meseta nord espagnole, principalement dans le groupe de Ciempozuelos mais surtout, pour les deux premiers, à des objets portugais comme ceux de Sao Pedro do Estoril, ou encore à certains objets allemands…

D’autres objets en cuivre sont parfois présents mais demeurent rares. Il s’agit de haches plates, de ciseaux et d'un bracelet de section triangulaire.

Les parures

Les parures associées à des objets campaniformes sont nombreuses, principalement dans les sépultures.
Cependant, les caractères de ces sépultures (collectives et de longue durée d’utilisation), ne permettent pas, une fois encore, de discriminer l’ensemble des objets découverts et d’assurer leur association avec les objets strictement campaniformes.
Il convient donc de distinguer les parures considérées comme spécifiquement campaniformes, par leur large répartition géographique en contexte campaniforme, des autres types de parures présents.

Les parures considérées comme spécifiquement campaniformes se limitent à deux types particuliers.
En fait de spécificité campaniforme, il faut surtout considérer leur association récurrente avec des objets campaniformes sur une très large aire géographique.
Ces objets peuvent par ailleurs apparaître dans d’autres contextes de la fin du Néolithique.

Les boutons à perforation en V

Les boutons à perforation en V, en contexte campaniforme, sont généralement en os, mais certains sont en pierre, en ambre et autres matières.
Selon la typologie proposée, on distingue des boutons hémisphériques, des boutons en tortue, des boutons pyramidaux et quelques types rares comme les écarteurs et les boutons chevilles. Ils sont présents sur une vingtaine de sites campaniformes du sud-est.

Les pendeloques arciformes

L’ensemble des pendeloques arciformes comprend lui aussi de nombreux types différents qui ne sont rassemblés que par la morphologie générale des objets, grossièrement arciforme.
Si ce type d'objet est présent dans certains sites des cultures locales de Provence et du Languedoc, il semble s'associer fréquemment avec le Campaniforme Rhodano-Provençal, ce qui démarque bien, en plus de la répartition géographique (essentiellement centro-septentrionale en Europe), les pendeloques arquées des boutons à perforation en V souvent associés à des décors plus classiques du Campaniforme international et géométrique et à la péninsule ibérique.

Comme l’ont déjà signalé de nombreux chercheurs, toutes sortes de parures peuvent être associées au Campaniforme. Nous n'en ferons pas l'inventaire ici, d'autant que les problèmes des contextes de découvertes interdisent d'être réellement affirmatif.
Les coquilles sont nombreuses, mais l’os, la pierre et les canines sont aussi bien représentées.
L’ambre, malgré le grand nombre de parures récoltées, demeure très rare en contexte campaniforme, se limitant à 3 ou 4 objets en contexte à peu près assuré pour le sud-est..
La présence de quelques objets en forme de bobine semble plus originale. Ils sont en os ou en pierre sur 3 ou 4 sites de la région.
Les perles en cuivre présentent des morphologies variées, mais ne se trouvent que dans une dizaine de sites en contexte campaniforme (excluant le Gard comme pour la plupart des objets métalliques). Elles sont donc peu nombreuses, souvent dans des contextes complexes et assez souvent associées à de la céramique à décor au peigne.

Les objets qu'on appelle brassards d'archers sont des plaquettes de forme ovale ou rectangulaire, en pierre ou en os le plus souvent qui sont interprétés comme des protections de bras pour le tir à l'arc comme ce nom l'indique. Evidemment cette interprétation a souvent été contestée mais la découverte récente d'un brassard en position fonctionnelle entre guillemets dans la sépulture d'Amesbury en Angleterre montre que ce n'était peut être pas si fantaisiste que ça.

Ils sont représentés par 22 objets dans le sud-est de la France, surtout en calcaire, mais aussi en grès fin et rarement en schiste. Un unique exemplaire en os est présent.
La forme de ces objets est généralement rectangulaire, bien qu’un exemplaire presque carré soit connu.
Ces objets nous sont parvenus fragmentés, du fait de leur finesse générale.
La longueur des objets entiers est relativement homogène entre 8 et 10 cm.
Les perforations sont systématiquement opposées aux deux extrémités de l’objet. Elles sont, soit uniques de chaque côté, soit doubles.

Le problème des manifestations artistiques et symboliques

La question de l’art, qu’il soit profane ou considéré comme sacré et, plus encore, celle de tout le domaine cultuel et symbolique se pose pour la fin du Néolithique. Les constructions monumentales à des fins parfois supposées « non utilitaires » couvrent rapidement l’Europe jusqu’à la fin du quatrième et durant le troisième millénaire. Les formes les plus visibles de cette monumentalité particulière se trouvent en Bretagne et dans les îles britanniques, ainsi que dans les îles méditerranéennes. Dans le Midi, ces manifestations monumentales restent rares hors du domaine funéraire. Menhirs et cromlechs sont malgré tout présents, et il faut sans doute leur ajouter, à la suite des réinterprétations récentes, les enceintes annulaires du Languedoc occidental. A la même époque, statuettes, stèles et statues-menhirs donnent des représentations très originales, qu’il s’agisse d’hommes, de héros ou de divinités.

Dans plusieurs régions, ce grand mouvement amorcé de longue date se poursuit à la période campaniforme avec les grands monuments britanniques et, sous toutes réserves, les enceintes languedociennes, l’ensemble des objets « symboliques » du Portugal ou les stèles alpines. Qu’en est-il dans le sud-est de la France ?
 

Arts mobiliers

Si un certain nombre d’objets du Campaniforme du sud-est font référence à la Péninsule Ibérique et particulièrement au Portugal, il convient de remarquer que l’ensemble des objets symboliques de la fin du Néolithique portugais (plaquettes gravées, lunules décorées, objets factices comme les herminettes ou les cylindres décorés…) si abondant dans les musées pour l’œil d’un chercheur français, n’est représenté dans le Midi de la France, ni par des objets identiques, ni par des objets équivalents (dans le sens : auxquels on ne puisse trouver une quelconque utilité…). L’attribution réelle de ces objets au Campaniforme pourrait encore être discutée.
Dans le sud-est de la France, les seuls objets de ce type restent les deux boîtes décorées en os de la Grotte des Planqués à Cipières et de la Roche-Amère à Villeneuve, dont l’attribution au Campaniforme demeure hypothétique, il pourrait s'agir d'objets de l'âge du Bronze. La répartition et la densité des récipients en os en Europe pourraient indiquer une diffusion – non des objets mais de leur concept – depuis les séries portugaises jusqu’à l’Italie et à l’Europe centrale. Mais encore, ces objets, malgré leur décor, ne peuvent pas être particulièrement rattachés aux domaines cultuel ou symbolique.
L’art mobilier le plus spécifique au Campaniforme semble finalement être la céramique ornée, pour laquelle l’investissement dans la décoration est parfois très important.

Campaniforme, stèles et statues-menhirs

Si certaines grandes stèles alpines comme celles des nécropoles du Petit Chasseur à Sion (Suisse) et de Saint-Martin-de-Corléans à Aoste (Italie) peuvent être rattachées au Campaniforme, tant d’un point de vue stylistique (les motifs et leur disposition) qu’à partir des données archéologiques du site même (transformations, réoccupations…), il n’en est rien dans le sud-est.
Les stèles provençales datent du Néolithique récent et du début du Néolithique final. Il en va de même pour les statues-menhirs du Languedoc probablement à attribuer pour l'essentiel à une première phase du Néolithique final mais ce sont vos enseignants ici qui en sont justement les spécialistes…
Il y aurait dans ce cas, un décalage chronologique de plusieurs siècles entre le développement des stèles et statues-menhirs, au Néolithique récent et au début du Néolithique final, et l’apparition du Campaniforme. Mais, cette observation ne concerne que le sud-est de la France et la question du vandalisme campaniforme sur les stèles alpines comme l'évoquait J. Arnal est, en revanche, toujours d’actualité.

Campaniforme, peintures et gravures rupestres

Plusieurs auteurs ont voulu voir dans le Campaniforme, l’origine ou le moteur de la diffusion d’un art schématique. Des objets campaniformes sont présents dans plusieurs cavités ornées du Var ou du Vaucluse, mais le Campaniforme est loin d’être la seule culture matérielle représentée dans les cavités présentant des peintures.
Pour le sud-est de la France, les travaux de P. Hameau ont montré l’antériorité de l’art postglaciaire du Midi sur l’apparition du Campaniforme. Même si les discussions sur ce thème sont loin d’être closes, les motifs récurrents semblent renvoyer peut-être au Néolithique moyen (soleils) et au plus tard au début du Néolithique final (chevrons).

Concernant enfin l’attribution au Campaniforme des premières gravures de la vallée des Merveilles, puisque cela a été proposé, le seul site à mobilier campaniforme probable de ce secteur géographique est le Gias del Ciari  à Tende qui n’a livré, pour la période concernée, qu’un unique tesson orné supposé du groupe rhodano-provençal (et c'est pas sûr), accompagné d’un segment de cercle et d’une abondante céramique domestique dont la plupart des types représentés pourraient faire référence à l’âge du Bronze ancien. Les deux autres sites signalés par E. Masson n’auraient livré aucun fragment de céramique campaniforme attesté. L’essentiel du répertoire iconographique gravé des vallées alpines semble bien faire référence à l’âge du Bronze, à partir du Bronze ancien.
Certaines représentations de rares objets métalliques font l’objet de discussions sur une attribution au Néolithique final ou au « Chalcolithique ».
Ainsi, certains poignards représentés dans la vallée des Merveilles ou dans la vallée de l’Ubaye pourraient être rapprochés de poignards en cuivre de « type » Remedello.
La relation entre ces gravures et le Campaniforme, dans une région où celui-ci est particulièrement peu représenté matériellement, reste entièrement à démontrer.
 
Voyons maintenant les sites où on trouve ces vestiges campaniformes.

Les sites campaniformes pris en compte dans l’inventaire, au nombre de 311, se répartissent en 131 sites « domestiques », 99 sites à vocation funéraire, 3 sites présentant des structures funéraires dans un contexte domestique et 78 sites dont la fonction demeure indéterminée.

La distribution des sites d’habitat en fonction des styles céramiques présents est très variable, montrant peut-être des situations différentes et, dans tous les cas, un potentiel d’information très contrasté. 

Les sites correspondant aux céramiques à décor incisé-estampé sont très nombreux par rapport à ceux qui livrent les céramiques à décor pointillé. La proportion des habitats à céramique à décor incisé-barbelé est importante.

Les implantations des sites campaniformes montrent une grande variété de types (avec l’usage de cavités aussi bien que de sites de plein air) et de topographies (avec l’existence de sites de plaine et de sites perchés, de sites ouverts et de sites fortifiés).

Pour le Campaniforme en général, les habitats montrent une distribution contrastée entre les implantations de plein air qui représentent 71 % des habitats, et les implantations en cavité (grottes et abris : 29 %). Ces implantations en cavité sont en réalité, le plus souvent, des abris sous roches et des pieds de parois, et dans une moindre mesure, de réelles grottes.

Les habitats campaniformes présentent tous les types d’implantation possibles, en plaine, de piémonts et en situation de perchement relatif et absolu, et cela aussi bien pour les habitats de plein air que pour les cavités.

La distribution des implantations en fonction des styles céramiques présents appelle quelques réflexions.

Ainsi les sites qui livrent des céramiques à décor pointillé complexe (style 2) localisés en rive gauche du Rhône présentent des implantations topographiques particulières. A l’exception du site d’Avignon (Vaucluse) dont la topographie réelle m’est inconnue – mais probablement particulière autour du Rocher des Doms, il s’agit de sites perchés et de surface réduite (Les Calades à Orgon, Le Fortin du Saut à Châteauneuf-les-Martigues, Le Col Sainte-Anne à Simiane-Collongue dans les Bouches-du-Rhône), et du site des Barres à Eyguières (Bouches-du-Rhône) de moins de 5000 m2 d’étendue et implanté sur un piémont mais isolé par deux paléotalwegs.

Les sites qui livrent des céramiques à décor incisé-estampé du groupe Rhodano-Provençal (style 3) présentent à la fois une répartition beaucoup plus large et une distribution plus homogène entre sites perchés et sites de plaine. Il a été cependant possible de remarquer une répartition géographique différente de ces types d’implantations. En effet, des secteurs beaucoup plus éloignés des grands axes de communications sont concernés par la répartition de ce style céramique et les sites peuvent alors correspondre à des topographies particulières comme dans les gorges du Verdon (Alpes-de-Haute-Provence et Var), dans l’est des Bouches-du-Rhône, certains secteurs du Var et les Alpes-Maritimes. La vallée du Rhône et, à son débouché, le département du Gard, semblent montrer une distribution plus homogène des implantations d’habitat.

Les sites qui livrent des céramiques à décor incisé-barbelé (style 4) présentent la particularité de compter une majorité d’implantations de hauteur ou de topographie particulière. Une part non négligeable de ces sites seront d’ailleurs réutilisés à l’âge du Fer comme oppida fortifiés. Les sites de plaine sont malgré tout présents. Ils demeurent peu nombreux comme les implantations en cavités rarement interprétables en terme d’habitat.

Les enceintes préhistoriques du sud-est de la France sont, pour la plupart, à rattacher à des contextes autres que campaniformes et souvent antérieurs à ceux-ci. Il s’agit plus particulièrement du groupe Couronnien pour la Provence et du groupe de Fontbouisse en Languedoc oriental.
De fait, l’essentiel des sites présentant à la fois un système d’enceinte et des vestiges mobiliers attribués au Campaniforme sont des sites à occupations multiples où la construction des murs ou le creusement des fossés a pu être attribué à des occupations strictement antérieures à la présence campaniforme. Si la question de la réutilisation ou de la continuité de l’utilisation de ces enceintes au moment ou les objets campaniformes sont présents peut être posée sur certains sites, d'autres montrent une diachronie certaine entre enceinte et présence campaniforme.

Les seules enceintes réellement attribuables à la présence campaniforme se trouvent sur des sites qui livrent de la céramique à décor incisé-barbelé (style 4). C'est le cas du site du Camp de Laure au Rove dans les Bouches-du-Rhône et probablement du site du Clos Marie Louise, lui aussi proche de l'étang de Berre.
L’enceinte du Camp de Laure présente un rempart principal de 140 mètres de longueur, de 2 à 2,5 mètres de largeur et conservé sur un mètre de haut au maximum. Il est composé de deux parements irréguliers et d’un blocage interne. Une seconde structure, mal conservée double le rempart un mètre en avant. Deux bastions d’une dizaine de mètres de longueur pour le mieux conservé encadrent l’accès principal à l’intérieur de l’enceinte, située dans l’axe du plateau. Les photographies aériennes ont montré l’existence d’amas de pierrailles circulaires, de 7 à 8 mètres de diamètre et à peu près équidistants de 20 à 30 mètres le long de l’enceinte, qui ont été interprétés comme des tours.

Les structures d’habitat connues reflètent autant de diversité dans leurs matériaux et dans leur architecture que dans leurs implantations.

Malgré la rareté des données, les quelques sites ayant livré des structures construites témoignent de l’usage de matériaux variés, comme c’est le cas pour l’ensemble de la fin du Néolithique du Midi.

La pierre a été utilisée à la fois pour la réalisation de dallages correspondant à des structures dites « légères », mais aussi pour la construction de bases de murs.
Le site des Calades (Orgon, Bouches-du-Rhône) a livré les vestiges de deux structures d’habitat. L’une, de forme ovale, est constituée d’un mur et d’un dallage alors que l’autre qui présente aussi un mur et un dallage s’appuie à la paroi rocheuse.
Le site du Col Sainte-Anne (Simiane-Collongue, Bouches-du-Rhône)  a lui aussi livré les vestiges de deux habitats implantés sur de petites terrasses rocheuses. Celui de la terrasse XI montre une construction appuyée sur le rocher et sur un mur dont la base est constituée d’une rangée de blocs.
La fouille de la Place du Palais à Avignon (Vaucluse)  aurait livré une cabane partiellement conservée.
La pierre semble plus souvent utilisée pour la réalisation de dallages dans les structures d’habitat. C’est le cas sur le site d’Avignon pour les quatre cabanes reconnues lors des fouilles de G. Sauzade, sur certains sites du Languedoc oriental comme le Bois Sacré à Saint-Côme-et-Maruéjols et Maupas à Calvisson. C’est sans doute le cas aussi pour l’implantation des Ribauds (Mondragon, Vaucluse) où X. Margarit a pu reconnaître des alignements et des effets de parois probables sur un sol empierré assez net.

Le bois et la terre sont sans doute les matériaux les plus utilisés pour des raisons pratiques telles que les conditions simples d’approvisionnement et de mise en œuvre, comme souvent pendant le Néolithique et la Protohistoire. L’absence de pierre dans l’architecture est encore trop souvent synonyme, dans l’esprit de certains chercheurs, de constructions légères ou d’implantations temporaires… Alors que ces matériaux permettent, en réalité, toutes sortes de constructions qui ne nécessitent, peut-être, qu’un entretien plus important que les constructions en pierre.
Les trous et calages de poteau qui traduisent l’usage du bois sont présents sur de nombreux sites d’habitat campaniformes. Lorsque les conditions géologiques le permettent, les trous de poteau sont fréquemment observés associés à des architectures à base de pierre ou de torchis (souvent des structures mixtes) comme aux Calades, à Avignon ou au Col Sainte-Anne.
Des structures représentées uniquement par des trous de poteau existent à Roynac – Le Serre dans la Drôme, et des « forêts » de trous de poteau peuvent même être observées comme aux Vignarets à Upie (Drôme) où l’homogénéité apparente des structures et du mobilier archéologique pourrait indiquer l’existence d’une petite agglomération.

La présence de torchis a souvent été relevée et indique la présence de constructions en terre dont la variété est sans doute importante et non observable.

Les formes des structures sont ovalaires aux Calades, à Maupas, au Bois Sacré et, peut-être, rectangulaires au Col Sainte-Anne, aux Ribauds et au Serre 1. Elles peuvent être partiellement implantées dans de faibles cuvettes excavées.

Sur le site du Serre 1 à Roynac, J. Vital a pu fouiller une série de trous de poteau permettant de restituer un bâtiment à deux nefs de 63 mètres carrés et de forme rectangulaire. Les cabanes des Calades présentent pour l’une 8 mètres conservés, et pour l’autre des dimensions mesurables de 10 mètres de longueur pour 6 de largeur. La structure en cuvette dallée du Bois sacré mesure 12 mètres de longueur par 4 de largeur et celle de Maupas mesure 12 mètres pour seulement 2,5 mètres de largeur moyenne, mais la largeur maximum conservée est elle aussi de 4 mètres.
Les deux cabanes du Col Sainte-Anne présentent des dimensions restituables très différentes. Celle de la Terrasse I conservée sur 6,5 par 3,4 mètres est en grande partie tronquée et pourrait correspondre initialement à des dimensions sensiblement identiques à celles déjà évoquées. La structure de la terrasse XI, qui abrite une importante structure de combustion, est de dimensions beaucoup plus modestes avec 4 mètres de longueur par 3 de largeur.

La rareté des structures d’habitat, le faible investissement technique et l’emploi réduit de la pierre ont parfois été invoqués afin de sous-tendre certaines hypothèses de mobilité ou de spécialisation des groupes campaniformes.
L’observation de l’organisation de l’habitat, que ce soit au niveau de la structuration interne de l’espace, de son évolution et des types de structures présentes, ou au niveau inter-site du choix des milieux d’implantation, conduit à une toute autre image de l’implantation campaniforme.

Les structures présentes sur les sites reflètent les diverses activités communes à la fin du Néolithique avec des fosses et cuvettes, de rares fosses interprétables en terme de silo, des foyers de divers types et de nombreuses structures d’interprétation plus difficile (petits empierrements…). Dans les structures construites, certains groupes de trous ou de calages de poteau ne correspondent pas à des structures d’habitat mais à des constructions plus réduites (spécialisées ?) ou à des éléments de clôture.
Des foyers, de petites fosses et des cuvettes sont ainsi présents à l’intérieur de toutes les rares cabanes reconnues. Les structures plus importantes (fosses, silos, constructions sur poteaux et clôtures n’ont pu être reconnues que sur les sites fouillés sur de plus grandes surfaces et non limitées à la construction elle-même.
La structuration de l’espace est évidente sur les sites fouillés de façon suffisamment extensive. Au Serre 1 à Roynac, la fouille a révélé la présence d'un habitat, d'un grenier, d'un silo et de clôtures.
Aux Juilléras, à Mondragon, le plan de la fouille montre une répartition différentielle des divers types de structures : une série de cuvettes dans la partie septentrionale, une cellule d’inhumations à l’est, quatre foyers disposés en rectangle dans la partie centrale, puis une « clôture » est-ouest marquée par une série de structures de calage isolant, au sud, un secteur de fosses de plus grandes dimensions (présentant elles-mêmes un alignement…).
Au Col Sainte-Anne, si la structure de la terrasse I fait sans doute référence, par ses dimensions d’origine restituables, à une cabane de dimensions sensiblement équivalentes à celles précédemment décrites, la structure de la terrasse XI avec ses faibles dimensions et la présence d’un foyer de taille importante en son centre, correspond probablement à un espace spécialisé en liaison avec l’habitat situé en contre-haut. 

Des observations d’ordre temporel peuvent être ajoutées à ces remarques sur l’organisation spatiale. En effet, plusieurs sites témoignent de transformations, de remaniements des architectures et de successions de niveaux d’occupations qui témoignent à mon sens d’une certaine pérennité de l’habitat.
Il s’agit des changements de vocation des espaces (domestiques et funéraires) aux Juilléras, des successions de niveaux aux Calades, au Col Sainte-Anne, au Pesquier – Grange de Jaulmes, et des réfections multiples de certaines structures comme au Camp de Laure.

Au niveau des implantations, on observe l’existence à la fois de sites de plaine (parfois dans des secteurs à fort potentiel agricole) et de sites dans des secteurs de moyenne (voire haute) montagne plus propices à des activités d’élevage ou liées à des activités spécialisées (approvisionnements en matières premières, chasse…).
Au niveau des structures, la présence d’habitats construits pouvant atteindre 60 mètres carrés, de fosses, de silos et de probables greniers traduisant des nécessités de stockage sur certains sites s’oppose clairement à des implantations en cavité, sans investissement technique remarquable dans des secteurs très marginaux par rapport aux axes de communication et aux grandes plaines.

Mode de vie, économie et échanges

Les Campaniformes ont parfois été présentés comme de petits groupes mobiles réoccupant des sites antérieurs ruinés, sans investissement particulier en matière d’habitat.
La mise au jour, en nombre, de réels sites d’habitat homogènes attribuables au Campaniforme, au moins pour les styles 3 et 4, ces trente dernières années dans le sud-est de la France, permet d’avoir une toute autre image des groupes campaniformes.

Malgré la faiblesse numérique des données et sans développer beaucoup, l’économie des groupes qui utilisent des vases campaniformes peut être envisagée, au moins à partir de l’examen des quelques contextes fiables.
Si l’agriculture est supposée par le nombre d’instruments de meunerie et les quelques structures de stockage mis au jour, elle est attestée par la présence de graines de céréales carbonisées sur plusieurs sites. Le blé et l’orge semblent être les céréales les plus fréquemment retrouvées mais leurs proportions respectives sont variables selon les sites. On remarque la présence d’épeautre pour le site des Calades à Orgon et de pois chiche à la grotte Murée à Montpezat, sous réserve de remaniements possibles pour ces derniers.
Les produits de l’élevage semblent dominer nettement sur ceux de la chasse, mais il faut tenir compte du faible nombre de sites pour lesquels nous disposons de déterminations.
L’élevage mis en œuvre par les groupes campaniformes ne semble pas spécialisé. Les caprinés sont sans doute majoritaires. Les bovidés et les suidés sont représentés dans des proportions variables. Ces proportions semblent confirmées par les proportions des matières premières osseuses utilisées pour la réalisation d’outillage. Quelques sites présentent cependant des cas différents avec, par exemple la prédominance des suidés à l’Abri Pendimoun à Castellar. Le chien semble souvent présent.
La chasse est diversifiée et dépend du milieu environnant le site. Le cerf et le sanglier sont les espèces récurrentes dans les séries.
La présence du sanglier, comme seule espèce chassée, sur le site du Bois Sacré montre que la part de la chasse peut être très réduite.
Les restes sur les sites littoraux ou de bords de cours d’eau, indiquent le recours à la pêche et à la collecte de coquillages.
Economiquement, les groupes campaniformes ne semblent pas montrer de spécificités particulières en comparaison avec les autres cultures de la fin du Néolithique. L’agriculture et l’élevage sont sans doute représentés dans tous les secteurs de la région et la chasse ne représente qu’un complément parfois très réduit des ressources alimentaires.

Les observations concernant les approvisionnements en matières premières montrent, elles-aussi, le recours systématique aux ressources locales ou proches. Les rares matériaux d’origine non locale correspondent probablement à des produits finis faisant l’objet d’échanges, parfois de provenance lointaine.

Voyons maintenant les sépultures et les rites funéraires

Une centaine de sépultures a livré du mobilier spécifique, traduisant l’utilisation de ces tombes à la période campaniforme.
De nombreuses tombes présentent cependant des vestiges attribuables à d’autres cultures archéologiques dont certaines sont probablement strictement antérieures au Campaniforme (Néolithique final ancien, essentiellement), indiquant des phénomènes de réutilisation ou de continuité d’utilisation des sépultures.
Les sépultures qui livrent du mobilier campaniforme présentent une grande variété dans notre région d’étude. Il ne semble pas y avoir un type particulier de sépulture et tous les types connus antérieurement sont utilisés.

Les sépultures les plus nombreuses sont les tombes mégalithiques et les cavités (grottes et abris) qui présentent une proportion identique. Les autres types de sépultures sont presque anecdotiques.  cependant les structures tumulaires sans chambre mégalithique pourraient être au nombre de 7. Les « allées couvertes » sont représentées par les monuments très particuliers de Fontvieille. Les seuls hypogées utilisés sont deux monuments de la Drôme. Ils appartiennent à une tradition antérieure, où les vestiges campaniformes correspondent à une réutilisation.
Les tombes en fosse et en coffre demeurent très rares.
Les réelles sépultures en fosse se limitent à la tombe S.14 de La Fare à Forcalquier (Alpes-de-Haute-Provence) et peut-être à certaines des structures funéraires des Juilléras à Mondragon (Vaucluse).

La sépulture de La Fare est une fosse ovalaire de près de 3 mètres de longueur pour 2 de largeur, orientée nord-nord-ouest / sud-sud-est et présentant une sorte de marche à son extrémité méridionale. Elle devait être couverte d’une structure tumulaire composée de sédiments et de blocs de pierre. La marche « d’entrée » était couverte par un bloc mégalithique régularisé. Le fonctionnement de cette tombe devait être relativement complexe et la fosse était vide de sédiment au moment de l’effondrement de la structure de couverture.

Une des sépultures des Juilléras présente une fosse, creusée dans le dallage d’un monument mégalithique antérieur, dont les dimensions sont très contraignantes pour le corps inhumé. Une autre tombe présente probablement une fosse à ressaut de forme ovalaire marquée par une couronne de galets qui devait maintenir une couverture de bois.
Les autres sépultures en fosse connues pour le Campaniforme sont des inhumations de très jeunes enfants, comme à la Grotte Murée à Montpezat (Alpes-de-Haute-Provence), où une fosse de petites dimensions a été creusée, dans le périmètre même de la zone habitée, au pied d’un bloc. La cuvette était sommairement dallée de lauzes de calcaire et de fragments de céramique. Les sépultures des Barres à Eyguières (Bouches-du-Rhône) sont partiellement rattachées à l’occupation campaniforme par E. Mahieu. Il s’agit de deux dépôts en cuvette de restes de périnataux situés à proximité immédiate de l’habitat et associés (pour l’un d’entre eux au moins) à des fragments de céramique campaniforme. 
           
Les sépultures en coffre ou caisson sont encore plus rares que les tombes en fosse. Elles se limitent à deux sites rhodaniens qui sont à rattacher à l’extrême fin de la période ou aux débuts de l’âge du Bronze. La tombe du Colombel à Laudun (Gard) a été rattachée tantôt au Bronze ancien, tantôt au Campaniforme en fonction de son architecture et du mobilier archéologique. Seule la présence d’un brassard d’archer évoque une tradition campaniforme.
Le site des Juilléras à Mondragon a livré une sépulture présentant les vestiges d’un caisson de lauzes et un ensemble de tombes dont l’observation pourrait indiquer la présence de coffres de bois.

Les sépultures tumulaires sont un peu plus nombreuses mais ne permettent généralement que peu d’observations. Des ossements humains et du mobilier archéologique sont généralement recueillis dans des tas de pierrailles et de terres de faible hauteur qui ont pu dans certains cas correspondre aux vestiges du tumulus de structures mégalithiques plus ou moins démantelées ou à des structures mégalithiques de type inhabituel que les chercheurs n’ont pas enregistrés comme des dolmens.

S’il est tenu compte de la nature de certains des monuments considérés comme des tumulus, les monuments mégalithiques représentent le type de sépulture le plus fréquent pour les contextes funéraires campaniformes.
Les cavités funéraires sont très nombreuses et correspondent, elles aussi, a une grande variété d’implantations. Il peut s’agir d’abris au surplomb peu développé, peu nombreux pour le Campaniforme comme pour l’ensemble du Néolithique, d’avens ou, plus généralement, de réelles grottes.
La plupart de ces cavités ont connu des utilisations multiples et le Campaniforme y est généralement reconnu par quelques objets spécifiques dans des contextes assez bouleversés. De rares cas d’associations de mobilier campaniforme avec un individu particulier au sein de dépôts collectifs en cavité ont été signalés.

La distribution générale du nombre de sépultures en fonction des styles céramiques présents est conforme aux observations faites pour les habitats.
Les sépultures qui correspondent aux styles complexes au peigne et au style rhodano-provençal sont les plus nombreuses.

Les sépultures livrant des campaniformes cordés, linéaires pointillés, internationaux et mixtes sont très peu nombreuses puisque représentées par 6 gisements sur un total de 102 sites funéraires.
Ces tombes sont de types variés (fosse, cavités et monuments mégalithiques).

Les sépultures livrant des campaniformes géométriques sont elles aussi très peu nombreuses avec huit tombes, toutes situées en rive gauche du Rhône et s’étendant des Bouches-du-Rhône aux Alpes-Maritimes. Il s’agit de deux monuments de Fontvieille (Le Castellet et la Source) et de six cavités localisées dans la région rhodanienne et le long du littoral méditerranéen.

Les sépultures livrant des campaniformes incisés-estampés ou pseudo-excisés du groupe rhodano-provençal et des styles pointillés complexes connaissent, comme les habitats, une répartition plus large et plus dense.
Les sépultures du style rhodano-provençal sont cependant curieusement méconnues dans les secteurs où les habitats sont les plus nombreux : Gard, Bouches-du-Rhône et Vaucluse. Les zones de concentrations correspondent exactement aux secteurs à forte densité de cavités et de monuments mégalithiques : Ardèche, Var, Alpes-Maritimes.

Le type de sépulture dominant est le monument mégalithique, généralement des dolmens ou des tombes en blocs, auxquels il est possible d’ajouter au minimum deux des quatre tumulus inventoriés qui présentent en fait des chambres. Les cavités sépulcrales sont elles aussi très nombreuses.
L'utilisation de l’hypogée du Perpétairi et la tombe d’enfant en contexte domestique de la grotte Murée constituant des cas exceptionnels.

Les sépultures connues pour les campaniformes incisés et barbelés sont actuellement beaucoup moins nombreuses et présentent une répartition différente avec une faible concentration dans le secteur rhodanien, en Ardèche et dans le Drôme, et quelques sites dans l’est des Bouches-du-Rhône et l’ouest-varois.
Le phénomène le plus remarquable est l’absence d’utilisation des monuments mégalithiques, à l’exception d'une tombe du nord de l'Isère, assez isolée dans le contexte mégalithique du sud-est de la France. Le type dominant est la cavité.

L’inhumation ou le dépôt collectif semble être la règle pour la plupart des sépultures qui ont livré du mobilier campaniforme, cavités et monuments mégalithiques. Les sépultures individuelles demeurent une exception.
Elles sont représentées par la sépulture de La Fare à Forcalquier, le tumulus du Serre d’Aurouze à Soyons, quelques rares sépultures d’enfants en contexte domestique (La grotte Murée et les Barres), peut-être le tumulus du Gendarme, et des fosses et caissons dans des contextes à rapporter à la transition au Bronze ancien (Tombe du Colombel et Les Juilléras).

Si l’inhumation est le rite le plus pratiqué, l’incinération a été mentionnée, en Provence, pour plusieurs sépultures. Les cas demeurent rares et peu probants.

Il demeure difficile de caractériser précisément le mobilier funéraire du Campaniforme dans des sépultures, presque toutes collectives, et présentant, le plus souvent, une longue durée d’utilisation ou plusieurs phases d’utilisation successives.

Le mobilier funéraire attribué au Campaniforme est, de ce fait, souvent réduit à une série d’objets très spécifiques, absents des sépultures des cultures antérieures.

La céramique décorée est présente dans environ 70 des 100 sépultures ou sites funéraires attribués au Campaniforme. Une trentaine de tombes, seulement, est attribuée au Campaniforme par la présence d’autres types d’objets comme les « brassards d’archer », les boutons à perforation en V de morphologie spécifique, les pendeloques arciformes, les alênes en cuivre, les poignards en cuivre et des armatures.

Il est difficile d’analyser précisément les relations des différents objets du mobilier funéraire campaniforme dans les sépultures collectives, entre association réelle et dépôts successifs. Nous avons cependant essayé d’observer la réalité du « set campaniforme » et d’éventuelles associations récurrentes.

Sur la centaine de sépultures ou ensembles funéraires, 70 ont livré de la céramique décorée et 41 ont livré au moins un élément spécifique non céramique. Céramique et autres éléments spécifiques ne s’associent que pour 24 sépultures. Aucune tombe n’a livré les huit éléments spécifiques associés.
L’ensemble le plus complet, le Dolmen du Villard au Lauzet-Ubaye comprend 5 éléments différents.

Le mobilier funéraire lié au Campaniforme ne se compose évidemment pas uniquement de ces quelques éléments spécifiques. Il demeure très probable que de nombreux types de parure mais aussi de nombreux outils et éléments lithiques puissent être rapportés au Campaniforme, mais leur présence dans d’autres contextes chronologique et culturel ne permet que rarement de préciser cette attribution.

Le campaniforme semble lié à des contextes d’inhumations ou de dépôts, dans des contextes collectifs et de tradition déjà implantée localement.
Quelques éléments mobiliers spécifiques au Campaniforme accompagnent cependant certains dépôts funéraires. Leur nature : céramique, outillages et/ou armes et éléments de parure ne se distinguent, pour l’essentiel, des autres cultures matérielles de la fin du Néolithique que par des types particuliers.
Seule l’importance, toute relative, du métal dans ces contextes funéraires pourrait éventuellement être relevée.
Enfin, la question d’une place particulière de la céramique dans les sépultures pour le Campaniforme peut encore être posée.

Le seul rite attribuable au Campaniforme demeure l’inhumation individuelle. Celle-ci demeure cependant très rare dans le sud-est de la France et les cas publiés ayant bénéficié d’un minimum d’observations sont exceptionnels.
Des préférences semblent apparaître pour les orientations et les positions. Concernant les orientations, les sépultures d’adultes de La Fare et des Juilléras sont grossièrement nord-sud, les têtes au nord, face vers l’est pour l’individu masculin de La Fare et face vers l’ouest pour l’individu féminin des Juilléras. Pour les sépultures d’enfants, à la grotte Murée comme au Juilléras, c’est une orientation est-ouest qui est choisie. Les orientations de la face des défunts sont variables, vers le nord ou le sud et peut-être liées au sexe des individus, non déterminable par les anthropologues pour les individus trop jeunes. Concernant les positions, une constante du décubitus latéral (ou dorso-latéral dans un cas), avec les membres inférieurs fléchis à hyper-fléchis, est remarquable.
Le site des Juilléras montre aussi la possibilité d’inhumations multiples pour de jeunes enfants.
Si ces observations sont relativement conformes aux grandes tendances observées en Europe pour le Campaniforme, elles reposent néanmoins sur un très faible nombre de cas observés.

 

Nous avons vu un bilan documentaire général sur le Campaniforme du sud-est de la France.
Nous allons maintenant essayer de réinsérer ces données dans leur contexte chronologique et culturel.

Les contextes de découverte des vestiges campaniformes dans le sud-est de la France sont multiples. Il peut tout d’abord s’agir de sépultures ou d’habitats. Le Campaniforme peut aussi apparaître seul, de façon homogène, ou être associé à d’autres vestiges caractéristiques des cultures du Néolithique final local. La nature de ces associations sur les sites qui ont pu être étudiés et les styles concernés montrent que cette distribution n’est pas aléatoire.

Les contextes strictement campaniformes existent mais ne concernent pas tous les styles reconnus. Tous les cas d’assemblages réellement homogènes sont à attribuer au style incisé et estampé, le groupe Rhodano-Provençal, et au style incisé et barbelé.

Pour le groupe Rhodano-Provençal, les contextes « purs » ayant fait l’objet de fouilles sont maintenant relativement nombreux.
Il peut s’agir d’implantations en cavité. Pour celles-ci, la question de l’homogénéité réelle des ensembles au sein de longues séquences et des possibilités importantes de remaniements doit être envisagée. Mais l'examen de plusieurs ensembles des gorges du verdon et de Provence ont montré des contextes homogènes.
Pour les implantations de plein air, la vallée du Rhône a livré de nombreux indices de sites homogènes.
Le caractère homogène, vis-à-vis des cultures locales, du style incisé et barbelé est encore plus net.

En ne considérant que les sites pour lesquels il n’y a aucune possibilité de perturbation, il est donc possible d’affirmer la présence de sites campaniformes totalement homogènes. Ceux-ci sont en réalité beaucoup plus nombreux si on considère les sites qui livrent des vestiges du Campaniforme et du Néolithique final sans association réelle.

A ce jour, aucun site des styles cordés, pointillés et internationaux ni même du style pointillé géométrique ne peut être considéré comme réellement homogène vis-à-vis des cultures locales.

Les contextes qui montrent une association entre des vestiges campaniformes et des vestiges des cultures locales du Néolithique final sont beaucoup plus nombreux que les contextes campaniformes homogènes.

La question de ces contextes est l’une des plus importantes pour la compréhension de l’implantation du Campaniforme dans notre région. Elle se heurte au grand nombre de sites qui ne sont connus que par des ramassages ou tamisages et pour lesquels aucune hypothèse ne peut être avancée.

Pour le Campaniforme des styles cordés, pointillés, internationaux et mixtes, peu de sites peuvent être pris en compte.
Le cas de la sépulture de La Fare à Forcalquier demeure exceptionnel mais constitue un indice important. Il s’agit d’une sépulture supposée individuelle implantée sur un établissement de hauteur qui a connu au minimum deux phases d’occupations successives.
Le mobilier céramique déposé dans la tombe comprend un gobelet campaniforme de style mixte particulièrement soigné, technologiquement étranger au site, et deux gobelets typologiquement attribuables au groupe Rhône-Ouvèze. Les analyses de pâtes par F. Convertini ont, par ailleurs, montré l’identité des techniques et des composants de ces deux vases avec ceux d'une autre structure attribuable à ce groupe Rhône-Ouvèze.
Le cas du site d’Escanin 2  et de certaines cavités du nord du Gard, pourrait aller dans le même sens, mais il ne s’agit que d’observations très ponctuelles.
Les autres sites présentant ce style campaniforme ne livrent pas de données exploitables.

Les contextes d’habitat qui livrent des vases campaniformes du style pointillé géométrique occupent une place particulière au sein de ce corpus.
En effet, si aucun d’eux ne peut être considéré comme réellement homogène, la proportion des vases campaniformes par rapport au total des vestiges est très variable.
Les sites les plus significatifs sont ceux des Calades à Orgon et du Fortin du Saut à Châteauneuf-les-Martigues. Ces deux sites ont livré une grande quantité de récipients décorés campaniformes attribuables à ce style pointillé géométrique et une très abondante céramique présentant soit une absence de décors, soit des décors non campaniformes. Ces céramiques font références sur les deux sites soit directement à des céramiques de type Fontouisse soit au groupe provençal Rhône-Ouvèze avec des décors spécifiques. Le sitedu Fortin du Saut montre aussi la présence d’un « mixage » stylistique probable avec la présence d’un petit gobelet galbé à profil en S portant un décor couvrant de cannelures horizontales.
Les sites d’Avignon, La Balance et la Place du Palais montrent eux aussi des assemblages de même type associant des vases campaniformes du style pointillé géométrique et des objets à décors fontbuxiens avec, là aussi la présence d’objets stylistiquement mixtes qui associent fond ombiliqué de type campaniforme et décor de cannelures de style fontbuxien, à la Place du Palais.
Le site des Barres à Eyguières présente sans doute un cas identique mais dans un contexte plus complexe.

Ce style pointillé géométrique du Campaniforme ne semble en aucun cas autonome vis-à-vis des cultures locales. Il est cependant remarquable que ce Campaniforme occupe une place différente selon les sites. Les séries importantes des Calades, des sites d’Avignon ou du Fortin du Saut s’opposent ainsi au cas du site des Barres où le Campaniforme est localisé et numériquement inférieur aux productions locales, dont une partie avec laquelle il est strictement associé.

Pour le Campaniforme rhodano-provençal, la situation semble plus complexe dans la mesure ou elle est différente selon les secteurs géographiques.
Lorsque les contextes ont pu être étudiés de façon précise, le Campaniforme rhodano-provençal semble le plus souvent homogène et sans relations avec les cultures locales du Néolithique final.
Il existe cependant quelques cas d'associations possibles :
La grotte de la Chauve-Souris à Donzère présente une séquence où le niveau 13 AB, qui semble peu perturbé, associe à la céramique campaniforme rhodano-provençale des éléments de tradition fontbuxienne.
Le site du Bois Sacré à Saint-Côme-et-Maruéjols a livré les fragments de deux vases de style fontbuxien décorés de cannelures à l’intérieur d’un habitat du Campaniforme rhodano-provençal très homogène. Le site de Maupas à Calvisson semble présenter le même type d’association avec un vase de type fontbuxien au sein d’un assemblage lui aussi très homogène. 

Les séries de style incisé et barbelé sont parfois mises au jour sur des sites occupés par le groupe de Fontbouisse, par le groupe Rhône-Ouvèze et par le Couronnien. Il semble cependant qu’aucune association stricte ne puisse être reconnue.

Envisager la chronologie et la périodisation du Campaniforme se heurte au faible nombre et à la mauvaise qualité des données de datation directe (datations isotopiques et stratigraphie).

Les données stratigraphiques demeurent très rares dans le sud-est de la France, malgré le nombre non négligeable de cavités fouillées à ce jour. Elles nous renseignent très peu au delà de la place chronologique relative du Campaniforme dans la fin de la Préhistoire.

Les datations radiocarbones sont elles aussi très peu nombreuses, avec moins de 40 dates recensées pour l’ensemble de la région. Plusieurs de ces dates sont totalement incohérentes ou correspondent à des contextes douteux. Les rares dates cohérentes pâtissent de l’important palier qui marque la courbe de calibration pour le troisième millénaire et présentent des marges statistiques très larges.

Les données stratigraphiques des sites de plein air ont parfois montré une succession entre des niveaux du groupe de Fontbouisse et le Campaniforme, comme pour le fossé du Pesquier-Grange de Jaulmes à Congénies. Mais cette observation ponctuelle ne peut exclure la possibilité d’une synchronie sur d’autres sites.
Les datations radiocarbones montrent que la place du Campaniforme se situe entre 2900 et 1800 avant notre ère. La grande majorité des dates se concentre cependant dans la seconde moitié du troisième millénaire.
Les datations centrées sur le début et la première moitié du troisième millénaire sont peu nombreuses et correspondent souvent à des mesures réalisées anciennement, avec des écarts types importants.
Les informations précises sur ce qui a été daté réellement manquent souvent. La datation de charbons non associés directement à un fait archéologique est sans doute à l’origine d’un certain nombre de dates aberrantes.
Globalement, il est intéressant de remarquer que les dates disponibles pour le Campaniforme recouvrent en grande partie celles du groupe de Fontbouisse et ne semblent se poursuivre seules que dans une période assez avancée. Cette observation semble rejoindre celles faites à partir des données archéologiques.
Concernant le Couronnien, les datations semblent se répartir d’une façon assez homogène à quelques exceptions près et se centrent sur la première moitié du 3e millénaire. Ces résultats, à l’inverse de ceux du groupe de Fontbouisse semblent exclure en grande partie les relations entre Couronnien et Campaniforme, ce qui est encore une fois confirmé par les observations sur les séries.

Les stratigraphies permettant d’observer une succession des différents styles campaniformes définis demeurent très rares.

Le fossé 4 du site du Pesquier – Grange-de-Jaulmes à Congénies a livré, selon Paul Boutié et Jean-Marc Roger, une séquence International mixte / Rhodano-Provençal / Barbelé,

La grotte de la Chauve-Souris à Donzère, fouillée par Joël Vital, a donné une séquence maritime ancien (en contexte d’affinité fontbuxienne possible) / Rhodano-Provençal (en contexte fontbuxien faciès central avec présence d’un vase d’inspiration Remedello) / Rhodano-Provençal (avec présence d’un vase de style audois),

Le site du Serre 1 à Roynac lui aussi fouillé sous la direction de Joël Vital a montré une séquence : Rhodano-Provençal / Barbelé et affiliés type Laure / Bronze ancien.

Par ailleurs, les données de Castellar – Abri Pendimoun (Alpes-Maritimes), bien que peu importantes numériquement et sous réserve de l’évolution de l’étude, semblent aller dans le même sens avec, au minimum, une organisation stratigraphique International / Rhodano-Provençal (associé à la céramique domestique spécifique).
Si ces données restent limitées, elles semblent néanmoins indiquer une séquence type : International / groupes régionaux / Barbelé / Bronze ancien. De plus, et même si le raisonnement par l’absence demeure un art difficile en archéologie, aucune séquence de type inverse (groupe régionaux / International) n’a été signalée qui aurait pu suggérer une autre périodisation ou la stricte synchronie entre les deux groupes de styles et l’existence d’un schéma différent (de type fonctionnel, par exemple).
Ce que ne livrent pas, en revanche, les données stratigraphiques, c’est la preuve d’une succession entre les deux phases anciennes et ce point devra encore être discuté.

Les datations radiocarbones ne fournissent aucune réelle indication pour la périodisation du Campaniforme. Si ne sont considérées que les dates à faible écart type, nous ne disposons que d’une seule date pour le Campaniforme pointillé géométrique (Les Calades 2 avec un maximum de probabilité entre 2465 et 2198 avant notre ère). Les datations du Campaniforme incisé et estampé se concentrent dans la même période entre 2500 et 2150 principalement. Il est seulement possible de remarquer que les datations récemment effectuées pour les sites campaniformes du style incisé et barbelé se groupent d’une façon assez homogène entre 2200 et 1800 avant notre ère et se distinguent de ce fait des autres styles campaniformes, mais aussi des principales dates connues pour le Bronze ancien non barbelé qui s’étalent sur la première moitié du deuxième millénaire.

Malgré la faiblesse des données stratigraphiques et l’absence de datations directes, la périodisation du Campaniforme semble pouvoir être validée en grande partie par le seul examen du mobilier et des contextes de découvertes.

Le premier élément – et non le moindre – est l’évolution stylistique visible entre les différents ensembles campaniformes.
Seule une petite partie du Campaniforme du sud-est fait référence au Campaniforme à grande aire de répartition qu’est le standard défini par L. Salanova. Les assemblages observés montrent l’existence d’un ensemble des styles cordé, pointillé linéaire, international et mixte.
Certains de ces types de décors se retrouvent dans les ensembles du style pointillé géométrique comme le décor international, certains décors linéaires et de très rares décors à la cordelette. Mais si l’essentiel des décors fait appel aux techniques déjà présentes, il montre des motifs et des organisations beaucoup plus diversifiés qui ne sont plus standards et qui associent une nouvelle technique, peu importante numériquement ; celle de l’estampage.
Le groupe Rhodano-Provençal est caractérisé par des décors incisés et estampés mais certaines séries y associent des décors réalisés au peigne présentant soit des motifs spécifiquement rhodano-provençaux soit des motifs de tradition antérieure en association stricte sur les mêmes vases.
Enfin, le style incisé et barbelé présente des évidences d’une tradition campaniforme depuis longtemps reconnue que ce soit dans les motifs ou dans les organisation des décors.

Une évolution identique peut être observée pour les morphologies de la céramique décorée. Les styles considérés comme appartenant au standard ne présentent que des gobelets. Les séries du style pointillé géométrique montrent la présence, déjà en nombre, de formes basses à côté des gobelets. Cette évolution se poursuit dans le groupe Rhodano-Provençal où le standard semble avoir totalement disparu, jusqu’au style incisé et barbelé où les formes basses spécifiques disparaissent et où la morphologie des gobelets se transforme.

Cette évolution stylistique générale de la céramique campaniforme décorée est corroborée par celle de la céramique commune et par les contextes de découverte.

La céramique commune associée au Campaniforme décoré est en effet différente selon les styles envisagés.
Elle est strictement absente pour les styles cordé, pointillé linéaire, international et mixte qui semble s’associer strictement, lorsqu’il est possible d’en juger, à des éléments attribuables aux cultures locales du Néolithique final.
La céramique commune associée au Campaniforme du style pointillé géométrique fait référence pour une large part au groupe Rhône-Ouvèze et présente peut-être des indices d’une évolution avec la présence de certaines morphologies galbées particulières et les fonds plats qui semblent se développer.
La céramique commune du groupe Rhodano-Provençal est spécifique.
La céramique commune des séries à décor incisé et barbelé est très proche morphologiquement, pour une partie du corpus, de celle du groupe Rhodano-Provençal, principalement pour les importantes séries de jarres à cordon pré-oral qui ne se distinguent des précédentes que par de rares traits techniques.

L’évolution des contextes campaniformes est sensiblement identique. Ces contextes sont strictement fontbuxiens ou rhône-ouvèzes pour les styles campaniformes anciens et ne peuvent être strictement autonomes que pour les styles incisé et estampé et incisé et barbelé pour certaines régions.

Chaque style campaniforme reconnu semble avoir une autonomie marquée vis-à-vis des autres. Les cas d’association stricte sont très rares, tout comme les remaniements avérés.
Ces associations existent cependant pour deux cas précis :

Certains décors du style 1 sont présents systématiquement sur les sites d’habitat du style 2, pointillé géométrique. L’autonomie réelle de ces deux styles et leur succession chronologique ne sont donc pas certaines. D’autres scénarios plus complexes peuvent être envisagés, tenant compte d’une synchronie possible et d’une distribution différente. Il pourrait s’agir de réseaux de diffusion différents, mais cela n’expliquerait pas l’association des deux styles sur certains sites. Il pourrait encore s’agir d’une différence de nature ou de fonction des deux ensembles stylistiques.

Les styles 3 incisé et estampé et 4 incisé et barbelé semblent s’associer sur un nombre de site relativement important. Il convient de nuancer cette remarque en raison de deux faits. Le premier est que le nombre de ces sites est artificiellement gonflé par la prise en compte des gisements gardois connus uniquement par des ramassages et pour lesquels une stricte association en contexte des deux styles n’est pas assurée. Il est cependant intéressant de remarquer la fréquence des continuités d’occupation d’un même site entre ces deux styles céramiques. Le second fait est issu des observations réalisées dans le cadre de la table ronde d’Aix-en-Provence et du PCR sur les productions céramiques du Bronze ancien du sud-est, sous la direction de J. Vital. Il semble, en effet, que deux types de décors barbelés soient à distinguer en fonction de leur technique de réalisation. Les décors barbelés réalisés au peigne fileté sont le plus souvent, mais pas toujours, en contexte homogène alors que les décors barbelés réalisés par incision ou incision et estampages sont à attribuer au groupe Rhodano-Provençal lui même.  Cette distinction n’a que rarement été faite par les chercheurs dont nous utilisons les données, principalement pour le département du Gard, non encore examiné dans le cadre du PCR. Ces différences de techniques sous-tendent deux hypothèses. Il est possible d’envisager une évolution des décors barbelés entre le style rhodano-provençal et le style incisé barbelé. Il est aussi possible d’envisager que les décors barbelés des sites du groupe Rhodano-Provençal sont des imitations de technique locale de ceux des sites du style incisé et barbelé, qui seraient alors partiellement contemporains.

Ces deux cas illustrent le caractère simpliste de la périodisation établie qui recouvre sans doute des scénarios plus complexes dans certains cas. Le schéma général de l’évolution stylistique de la céramique décorée semble cependant confirmé par les rares indices stratigraphiques, l’évolution de la céramique commune et les contextes de découverte des séries campaniformes.

Plusieurs scénarios parallèles doivent être établis pour interpréter l’évolution du Campaniforme dans le sud-est de la France. Cependant, une mise en contexte géographique plus large peut permettre de choisir entre ces diverses options du schéma spatio-temporel.

L’observation précise des contextes sur les sites eux-mêmes a mis en évidence des disparités géographiques parfois importantes selon les différents secteurs de la région d’étude. Ces différences nous renseignent sur les relations complexes entre le Campaniforme et les cultures locales de la fin du Néolithique. 

Si le Campaniforme est relativement bien réparti dans le sud-est de la France, particulièrement pour le groupe Rhodano-Provençal, à l’exception des départements alpins, le substrat culturel dans cette vaste région n’est pas un tout homogène. Plusieurs cultures distinctes sont présentes dans la première moitié du troisième millénaire et cette géographie culturelle semble avoir des incidences sur l’implantation du Campaniforme et ses relations avec les cultures locales.

La périodisation du Néolithique final du Languedoc oriental est l’une des mieux établies du Midi de la France par la présence successive de deux ensembles culturels importants. Pour le troisième millénaire, le groupe de Ferrières semble disparaître vers 2800 avant notre ère pour être remplacé par le groupe de Fontbouisse.
Les modalités de cette succession, l’existence d’une période de synchronie de ces cultures comme celle d’autres cultures micro-régionales, et moins dynamiques, restent à préciser. Ces deux cultures sont archéologiquement divisées en plusieurs faciès locaux et témoignent d’un expansionnisme particulièrement marqué vers la Provence et aussi vers le nord (Ardèche et vallée du Rhône).

Le Campaniforme n’a jamais été reconnu en stricte association avec des vestiges du groupe de Ferrières. Le groupe de Fontbouisse est probablement déjà très largement développé avant l’apparition des premiers vestiges campaniformes qui lui sont parfois associés.

La Provence, telle que géographiquement définie ici, est beaucoup plus vaste et marquée par un plus grand nombre de cultures matérielles distinctes micro-régionales ou régionales. Une bipartition chronologique identique à celle observée en Languedoc peut être aisément établie à partir de la présence en Provence occidentale de nombreux éléments de tradition des groupes de Ferrières et de Fontbouisse.
La première phase du Néolithique final est marquée en Provence par le groupe Couronnien qui semble s’étendre sur une très grande partie de la région, par le groupe de Fraischamp en Provence occidentale et rhodanienne essentiellement, et par la présence de sites de tradition ferrières. Vers 2800 avant notre ère, peut-être avec un temps de retard sur le Languedoc, le groupe de Fontbouisse semble s’étendre en Provence occidentale et rhodanienne. Son influence sur les sites du groupe Couronnien conduit à la définition d’un nouveau groupe appelé Rhône-Ouvèze qui s’étend de façon considérable à l’ensemble de la Provence, jusque dans sa partie orientale probablement et dans les marges alpines (La Fare à Forcalquier). Le groupe Nord-Vaucluse constitue probablement un faciès funéraire de ce même ensemble (au moins chronologique).

A ce jour, il demeure impossible de vérifier une hypothétique association entre Campaniforme et Couronnien. Aucun indice patent, si ce ne sont des datations radiocarbones très imprécises, n’indique un recouvrement chronologique assuré entre ces deux ensembles culturels.
C’est dans des contextes associant du mobilier de style rhône-ouvèze ou fontbuxien, que se trouvent les premiers vestiges campaniformes de la région provençale.

Il demeure beaucoup plus difficile d’envisager les aspects chronoculturels de la fin du Néolithique pour la vallée du Rhône et la zone alpine. Les secteurs les plus méridionaux, dans la Drôme et l’Ardèche montrent de nettes affinités avec le schéma languedocien et c’est bien dans des contextes attribuables au groupe de Fontbouisse ou à ses influences qu’apparaissent les éléments campaniformes.
Les secteurs plus septentrionaux sont moins bien caractérisés sur le plan des cultures matérielles tout comme les départements des Hautes-Alpes et de l’Isère pour lesquels les recherches se développent.

Les styles de la céramique décorée campaniforme ainsi que les types de contextes de découverte semblent présenter eux aussi une répartition géographique qui n’est peut-être pas aléatoire.

Les sites livrant des objets des styles anciens sont peu nombreux mais présentent une répartition relativement homogène si on tient compte de la faiblesse des données alpines. Les gisement se répartissent de part et d’autre de la vallée du Rhône le long des principales voies de circulation et à son débouché à la fois dans le Gard et en Provence.

Les sites du style pointillé géométrique ont, en revanche, une répartition totalement différente. Ils sont présents dans la vallée du Rhône mais uniquement en rive gauche, en Provence rhodanienne, ainsi qu’en basse Provence et en Provence orientale où ils sont liés aux axes de circulation au départ de la côte (étang de Berre, et fleuves du Var et des Alpes-Maritimes). La zone septentrionale est peu affectée avec quelques cas possibles dans la zone médiane de l’Ardèche et les deux vases de l’Abri de Barne Bigou à proximité de l’Isère. Cette répartition exclut totalement le département du Gard qui possède pourtant l’effectif de sites campaniformes le plus important de la région.

Le style  Rhodano-Provençal connaît une répartition beaucoup plus large et homogène couvrant l’ensemble de la région, si on tient compte encore une fois de la faiblesse des données alpines.

Le style incisé et barbelé semble se concentrer autour de la partie inférieure de la vallée du Rhône et de la basse Provence et du Languedoc avec, encore une fois, des extensions remarquables le long des principales voies de communication.

L’examen des sites a montré l’existence de contextes variés qui livrent des vestiges campaniformes, particulièrement pour les styles 1 et 3

Les sites qui livrent des objets du style 1, correspondant au standard du Campaniforme sont en Provence soit des sites du groupe Rhône-Ouvèze ou du groupe de Fontbouisse, soit des sites campaniformes du style pointillé géométrique. En Languedoc oriental en revanche, en l’absence de sites de ce style 2, les objets anciens sont mis au jour dans des contextes du groupe de Fontbouisse.

Concernant le groupe Rhodano-Provençal, la même partition est observable.
En Provence, il s’agit exclusivement de contextes autonomes alors qu’en Languedoc oriental et peut-être dans la vallée du Rhône avec la grotte de la Chauve-Souris, les vases du groupe Rhodano-Provençal peuvent être associés à des contextes ou à des objets de style fontbuxien.

Si on essaye de synthétiser ces données de contextes :

Chronologiquement, le Campaniforme est partiellement contemporain de certaines cultures locales qui sont, de façon certaine, le groupe Rhône-Ouvèze et le groupe de Fontbouisse et probablement certains groupes qui doivent leur être rattachés comme le groupe Nord-Vaucluse.
Ce recouvrement chronologique concerne de façon assurée les styles 1 et 2 du Campaniforme et probablement partiellement le style 3, pour le groupe Rhodano-Provençal.

Les groupes de Fontbouisse et Rhône-Ouvèze ainsi que des groupes plus septentrionaux ont reçu des objets campaniformes du style 1 le long des grands axes de communication que sont la vallée du Rhône, ses principaux affluents et la zone littorale méditerranéenne.
Le style 2 semble se développer sur des sites où il s’associe au groupe Rhône-Ouvèze en rive gauche du Rhône.
Le style 3, rhodano-provençal se développe probablement en rive gauche du Rhône dans des contextes autonomes et se répand sur l’ensemble de la région et dans le Gard, où le style 2 n’était pas présent et où il s’associe à des objets de style fontbuxien.
Le style 4 ne semble plus avoir de relations directes avec les cultures locales du Néolithique final.

Pour le style 1, il semble ne s’agir que de la présence d’objets campaniformes qui sont peut-être, en l’attente d’un plus grand nombre d’analyses, produits en dehors des sites où ils sont présents. Le terme d’importation pourrait être utilisé, mais évoque des échanges à longues distances ce qui n’est pas forcément le cas ici. Il s’agit très probablement d’acquisitions (quels qu’en soient les modes) de tradition et de technique étrangères. 
Pour le style 2, il s’agit d’une réelle association avec les séries du groupe Rhône-Ouvèze qui recouvre un partage des traditions techniques et, dans certains cas au moins, une même production ainsi que des formes de métissages des styles morphologiques et décoratifs de la céramique.
Pour le style 3, il faut distinguer le secteur oriental, en Provence, où le Campaniforme rhodano-provençal est strictement autonome et où la tradition des groupes locaux ne semble persister qu’à travers de rares traits morphologiques de la céramique commune et certains caractères techniques comme l’emploi local de calcite pilée comme dégraissant. Dans le secteur occidental correspondant à l’aire centrale de développement du groupe de Fontbouisse, le Campaniforme rhodano-provençal apparaît comme autonome mais entretient des relations avec le groupe de Fontbouisse. Ces relations sont marquées par la présence d’objets de style fontbuxien dans des sites d’habitat campaniformes. Dans la vallée du Rhône, la grotte de la Chauve-Souris montre un cas de « mixage » stylistique entre la tradition fontbuxienne et la tradition campaniforme rhodano-provençale.

Afin de comprendre les modalités de l’apparition, de l’intégration et du développement du Campaniforme dans le sud-est de la France, il est nécessaire de replacer les éléments régionaux dans le contexte général.

Il s’agit tout d’abord d’envisager les comparaisons possibles pour les différents éléments campaniformes observés dans la région d’étude.

Commençons par les céramiques décorées

Le style 1 et les vases du standard campaniforme

Si nous nous référons au travail réalisé par L. Salanova qui a permis la mise en évidence de ce standard, la répartition en France des différents types de décors du standard montre l’existence d’une concentration atlantique et une extrême rareté dans la moitié orientale de la France. Les vases à décor linéaire couvrant, réalisé à la cordelette sont cependant présents dans presque toutes les régions étudiées, en Bretagne, dans le Bassin Parisien, dans le Centre-Ouest atlantique  et dans le secteur Pyrénées – Languedoc.
Les vases à décor linéaire pointillé et les vases à décor international, réalisés au peigne ou à la coquille connaissent une répartition sensiblement identique.
Si de nombreux éléments provençaux et rhodaniens n’ont pas été pris en compte dans le cadre de cette étude, il semble que les secteurs situés dans le centre-est et le nord-est de la France, Bourgogne et région rhénane ne livrent que très peu d’éléments attribuables à ce standard.
Le Languedoc occidental et les Pyrénées présentent de nombreux vases comparables aux exemplaires du sud-est pour l’ensemble des thèmes de ce style 1. Le style mixte est bien représenté en Languedoc occidental et jusque en Catalogne et dans les Pyrénées.
La répartition des décors internationaux est très large, en Europe occidentale et demeure difficile à prendre en compte.

Le style 2 pointillé géométrique

La répartition des thèmes décoratifs de ce style est assez large.
La première région de comparaison est le Languedoc occidental, qui montre des concentrations de décors et de morphologies très comparables aux exemplaires du sud-est.
La grotte de Ratos-Panados (Montredon, Aude) et des dolmens de Boun Marcou (Mailhac, Aude), Jappeloup (Trausse, Aude), la grotte de Nizas (Hérault) montrent des décors comparables comme le site du site du Puech-Haut dans l'Hérault.
Un ensemble considéré comme ancien a été mis au jour récemment dans cette région sur le site du Mourral-Millegrand  (Trèbes, Aude). Cet assemblage qui comprend un décor de ligne de triangles hachurés associé à des décors internationaux est à rapporter au Campaniforme pointillé géométrique. Le bol (supposé à fond rond) à décor de bandes hachurées incisées n’est en revanche, à mon sens, pas à rapporter au Campaniforme. Il s’agit plus probablement, ici aussi, d’un phénomène de « mixage culturel », d’une sorte d’imitation de campaniforme comme on en observe en Provence.
Ce style pointillé géométrique semble s’étendre hors du sud-est de la France, vers le nord, avec une partie de la série du site de Derrière-le-Château (Geovreissiat, Ain) qui présente de grandes affinités avec certains objets provençaux. Le site a d’ailleurs livré plusieurs fragments de céramique à décor incisé de style fontbuxien ou rhône-ouvèze. Un décor pointillé géométrique proche de ceux du Midi est aussi présent dans une sépulture de l'Yonne.
Dans l’Ouest, ces types de décors sont présents sur le côte atlantique pour quelques séries (dolmens de Vendée).
Ces thèmes décoratifs deviennent de plus en plus rares ou différents dans le Campaniforme septentrional en Allemagne et surtout dans le Campaniforme oriental en Europe centrale.
Au delà du Languedoc occidental, c’est dans la péninsule ibérique que les comparaisons concernent à la fois les thèmes décoratifs et les morphologies des récipients.
Les motifs de triangles hachurés pointillés disposés en lignes inversées et éventuellement décalées sont présents sur des gobelets mais aussi sur des formes basses au Portugal et en Espagne.

Le style 3 incisé et estampé (rhodano-provençal)

Les vases décorés de style rhodano-provençal semblent eux aussi renvoyer à un ensemble méditerranéen et ibérique. Les thèmes décoratifs et leur traitement les apparentent au style pyrénéen et à de nombreuses séries de la Péninsule Ibérique.
Les styles rhodano-provençal et pyrénéen diffèrent par la fréquence de certains thèmes mais surtout par la fréquence d'usage de certains outils de décoration.
Il est possible, mais cela n’a pas été vérifié de façon précise, que l’emploi du peigne au sein de série de style pyrénéen soit plus important en proportion que dans le style rhodano-provençal où il semble anecdotique.
Le groupe Pyrénéen présenterait donc, au delà de sa parenté avec le groupe Rhodano-Provençal, des indices plus forts de filiation avec le style pointillé géométrique que le groupe Rhodano-Provençal, aussi bien sur le plan stylistique que sur le plan technique.
L'ensemble des comparaisons renvoient ensuite à la Péninsule Ibérique, au Portugal mais surtout à l'Espagne et en particulier à l'Espagne centrale concernant à la fois les thèmes décoratifs et les morphologies.
Dans les régions septentrionales, les éléments de comparaison existent mais sont relativement peu nombreux et moins évidents. Les régions septentrionales comme orientale privilégient l'emploi du peigne.
Il est plus difficile de trouver des comparaisons satisfaisantes pour les décors de style peigne complexe, qui semblent se concentrer dans la partie orientale de la région (Alpes-Maritimes et est-varois). Ceux-ci peuvent correspondre à une évolution sur place du campaniforme pointillé géométrique, avant l’expansion rhodano-provençale, ou à des influences, peu importantes, des campaniformes italiques.

Le style 4 incisé et barbelé

La répartition des décors barbelés est assez large en Europe. Elle affecte tout le Midi méditerranéen de la France, l’Italie septentrionale et probablement la Catalogne. L’Europe du nord montre des décors similaires dans plusieurs régions d’Allemagne, les Pays-Bas et les îles britanniques. Il s’agit d’une nouvelle mode décorative dont les techniques de réalisation élaborées excluent sans doute l’hypothèse de simples convergences stylistiques et traduit plutôt, comme pour le Campaniforme, un système complexe de diffusion et d’influences à grande échelle.
Les études ont mis en évidence deux principales techniques de réalisation des décors barbelés dans le sud-est. L’emploi d’un outil spécifique, de  type peigne fileté semble en grande partie lié à des assemblages spécifiques (bien que présents en faible nombre dans des séries du groupe Rhodano-Provençal), alors que le barbelé réalisé par incision ou incision et impression n’est présent que dans les séries campaniformes du style rhodano-provençal. Hors du domaine de la céramique à décor barbelé de tradition campaniforme connue dans le Midi de la France, l’emploi de cet outil spécifique de type peigne fileté a été remarqué en Italie septentrionale et orientale depuis la région de Vérone jusqu’à la région de Trieste et en Slovénie dans la culture de Ljubljana. Les décors réalisés avec cet outil sont représentés sur des formes de tradition balkanique, totalement inconnues dans nos régions et dans certains cas sur des formes qui font référence au Campaniforme oriental.

Les formes des céramiques à décor barbelé, présentes dans le sud-est de la France ne correspondent pas toutes aux morphologies de la tradition campaniforme régionale.
Si les gobelets sont présents, leur forme et la fréquence des anses les distinguent de ceux du Campaniforme rhodano-provençal. Certaines de ces morphologies sont représentées dans le Campaniforme en Italie centrale.

Tous les thèmes représentés dans les séries incisées et barbelées sont présents dans les séries du groupe Rhodano-Provençal mais sont aussi présents dans d'autres ensembles campaniformes aussi bien le groupe Pyrénéen que le Campaniforme d'Italie septentrionale.
Les dispositions des décors fournissent peut-être une meilleure piste que les thèmes représentés avec les thèmes organisés en panneaux qu'on est allée cherché très loin dans des régions éloignées mais qui sont en fait présentes une fois encore en Italie septentrionale.

Les céramiques lisses

Les céramiques non décorées ont généralement été beaucoup moins décrites et représentées que les céramiques ornées. Les comparaisons possibles sont donc peu nombreuses et de portée limitée.

La céramique fine du groupe pointillé géométrique est constituée pour une part de formes spécifiques de type gobelet inorné et bol ou petite écuelle pouvant présenter un fond ombiliqué. Ces types céramiques sont associées au Campaniforme pointillé géométrique en Languedoc occidental comme au Mourral-Millegrand à Trèbes. Les données pour la péninsule ibérique montrent la présence de bols et d’écuelles carénées à fond ombiliqué ou non. L’autre composante de cette céramique semble locale avec la présence associée de formes attribuables au groupe Rhône-Ouvèze sur les sites provençaux.
Une curieuse convergence peut, par ailleurs, être observée entre les gobelets à carène basse et très basse, parfois décorés de cannelures, du groupe Rhône-Ouvèze et du « Chalcolithique de l’Estrémadure » du Portugal. Cette comparaison devra être vérifiée.

La céramique commune du groupe pointillé géométrique

En l’état actuel des connaissances, celle-ci semble entièrement à rapporter au groupe local Rhône-Ouvèze ou à l’extension orientale du groupe de Fontbouisse. Elle présente, sur les séries observées, des évolutions assez peu importantes (fonds plats et proportion de certaines formes en S). Aucun des types à cordon pré-oral de section triangulaire ou à perforations en lignes n’a été mis au jour dans ces contextes.

La céramique fine non décorée du groupe Rhodano-Provençal
           
Elle semble découler de l’évolution des deux ensembles décrits précédemment. Elle comprend d’une part les gobelets, bols et écuelles non décorés déjà présents dans le campaniforme pointillé géométrique, et d’autre part mais dans une proportion relativement faible des petites formes à profil en S ou droites qui semblent dériver des objets de tradition rhône-ouvèze associés au Campaniforme pointillé géométrique.

La céramique commune du groupe Rhodano-Provençal

La fragmentation des objets et le faible nombre de séries ayant fait l’objet d’études spécifiques et exhaustives ne permet pas encore de faire la part exacte entre les morphologies strictement locales et les types observés dans une vaste aire géographique. Ce sont ces derniers qui focalisent l’attention par l’existence de quelques types aisément identifiables et récurrents. Il s’agit des jarres, généralement de moyennes dimensions, présentant un cordon lisse pré-oral (ourlant le bord ou situé peu au-dessous), de section triangulaire et souvent étiré plutôt qu’ajouté. Ces jarres peuvent présenter une ligne de perforations entre le cordon et le bord. La répartition en France de ces types particuliers montrent une nette concentration dans le groupe Rhodano-Provençal et dans le groupe Pyrénéen jusqu’à Toulouse.

A l’extérieur du Midi méditerranéen ces types sont présents de façon plus ponctuelle dans l’axe rhodano-rhénan ainsi que dans le Jura suisse. Le type cordon pré-oral et perforations en ligne est aussi présent à l’extérieur de cet ensemble géographique en Bretagne et sur la façade atlantique ainsi qu’en Italie centrale. Dans le nord-ouest de la péninsule ibérique on note la présence dans un contexte campaniforme incisé d’un vase à perforations en ligne sous le bord et d’un autre à cordon pré-oral de section triangulaire mais impressionné.
La présence de ces types céramiques n’est toujours pas attestée dans des contextes campaniformes antérieurs aux groupes régionaux récents, ni à notre connaissance dans un contexte local du Néolithique final, sauf en Italie centrale et septentrionale.

La documentation concernant la péninsule ibérique est pauvre en céramique commune. L’essentiel des vases figurés appartiennent à une céramique fine souvent assez standardisée (gobelets à profil en S, bols et écuelles). L’examen des principales synthèses réalisées pour les différentes régions de la péninsule ne permet pas de mettre en évidence de liens pour la céramique commune à l'exception de rares remarques mais il s'agit encore d'un état de la recherche.

La céramique commune du groupe incisé et barbelé

Le travail, en cours de réalisation par J. Vital, montre que les séries céramiques du groupe barbelé résultent probablement d’un assemblage complexe d’influences. La part du Campaniforme local dans les morphologies peut être importante, mais J. Vital a relevé principalement pour la partie méridionale du sud-est de très nombreuses correspondances avec l’Italie centrale. Les comparaisons avec la zone centre-européenne semblent surtout concerner les ensembles rhodaniens du début du Bronze ancien « non barbelé ». Les sites d'Italie centrale offrent des connexions possibles avec les morphologies provençales en particulier.
Les régions situées à l’ouest n’offrent que peu de correspondances possibles, en dehors des séries barbelées elles-mêmes, alors que la Toscane offre des comparaisons possibles dans des contextes campaniformes antérieurs (en l’état actuel des connaissances) et déconnectées géographiquement des contextes barbelés connus en Italie septentrionale.

Concernant les autres éléments culturels :

Les outillages

Les outillages lithiques et osseux sont trop ubiquistes pour préciser de façon satisfaisante leur place au sein d’un contexte général de la fin du Néolithique et du Campaniforme.

Les objets métalliques

Les poignards en cuivre mis au jour dans des contextes campaniformes relativement cohérents se divisent en quatre catégories distinctes au minimum.
Les poignards à lame courte sub-triangulaires ou losangiques à soie parfois crantée semblent avoir une répartition géographique très large principalement dans la péninsule ibérique, en Languedoc et au delà du sud-est, dans le couloir rhodano-rhénan, puis en Europe centrale.
Les lames à soie longue et bub-rectangulaire sont présentes dans la péninsule ibérique sur la côte atlantique, dans les régions septentrionales au Pays-Bas, en Grande Bretagne mais aussi en Europe centrale, malgré une distribution essentiellement maritime et occidentale.
Les autres types trouvent peu de comparaisons.
Les armatures de type Palmela ne sont représentés que par de très rares exemplaires très atypiques dans le sud-est de la France.
Il demeure difficile de les comparer directement aux types classiques de la péninsule ibérique dont elles dépassent de beaucoup la variation reconnue. Celles-ci se concentrent de façon importante dans le centre du Portugal et semblent avoir été diffusées dans la péninsule particulièrement vers le sud espagnol et la Meseta centrale. Elles sont représentées vers le nord de part et d’autres de la chaîne pyrénéenne et leur répartition importante en Aquitaine s’estompe en Bretagne. Sur la côte méditerranéenne, elles sont présentes en Catalogne et en Languedoc occidental et central.
Les alênes bipointes de section carrée en cuivre sont très nombreuses dans le sud-est de la France. Leur répartition évoque celle des poignards courts (Portugal, Espagne, Midi français, façade atlantique et plus rares vers le nord et vers l'est).

Les éléments de parure

Concernant les boutons à perforation en V, hémispériques ou en tortue en os, les principales concentrations semblent méridionales, avec un groupe très important au Portugal qui pourrait avoir diffusé vers le nord le long de la côte atlantique et vers la Méditerranée avec une répartition littorale et insulaire qui semble se poursuivre dans la vallée du Rhône. La répartition des boutons coniques semble identique.
D'autres types de boutons, plus souvent décorés présentent des concentrations particulières en Europe centrale.
J'ai déjà évoqué le problème des pendeloques arciformes. Rattachées aux groupes campaniformes récents, elles semblent faire référence à des régions plus septentrionales et orientales où elles peuvent être nombreuses quoique différentes par leur décor fréquent. Elles semblent néanmoins présentes dans le sud-est antérieurement aux développement campaniforme.
Les brassards d’archer sont présents dans l’ensemble des régions campaniformes d’Europe, avec une telle variabilité dans chacune d’elles qu’il est impossible d’y reconnaître des axes de diffusions. Ils semblent cependant plus rares dans les régions occidentales et méditerranéennes qu'en Europe centrale et septentrionale.

Concernant la chronologie générale du Campaniforme en Europe :

Les études les plus récentes, sur l'ensemble de l'Europe ont montré une nette antériorité des datations campaniformes dans le sud-ouest de l’Europe, centrée sur la péninsule ibérique. Les datations du Campaniforme septentrional et de l’Europe centrale présentant des décalages importants par rapport à cette première série.
Une autre étude centrée sur l’Europe occidentale comprenant la péninsule ibérique, la France, l’Italie et la Suisse montre des résultats similaires où les datations portugaises se concentrent dans la première moitié du troisième millénaire, les dates espagnoles et françaises semblent s’étaler sur l’ensemble du millénaire, alors que les dates italiennes et suisses se concentrent sur la seconde moitié.

L’observation des contextes d’apparition du Campaniforme dans le sud-est ne permet pas de proposer une apparition locale de ces éléments à partir des substrats culturels régionaux.
La place géographique de la région considérée eu sein des schémas de diffusion possibles des différents éléments campaniformes et les données chronologiques actuellement disponibles confirment cette origine strictement étrangère du Campaniforme dans le sud-est de la France.
 
Les comparaisons possibles et les données géographiques et chronologiques réunies montrent que tous les éléments campaniformes présents dans le sud-est n’ont probablement pas une origine unique, mais correspondent à des diffusions de plusieurs provenances. Deux origines potentielles se distinguent nettement.
La première est sud-occidentale (Languedoc occidental, Péninsule Ibérique) et probablement la plus importante.
La seconde, nord-orientale et encore imprécise, semble secondaire en l’état actuel des connaissances mais cependant bien marquée pour certains types de mobilier.
Les régions italiques ne sont réellement importantes, dans ces réseaux d’influences, que pour le groupe Barbelé. Il est néanmoins possible que la partie orientale du sud-est de la France entretienne des relations plus étroites avec l’Italie septentrionale dès la période du Campaniforme pointillé géométrique et pendant celle de l’expansion du groupe Rhodano-Provençal. 
 
Une succession chronologique générale de ces deux courants de diffusion semble apparaître à travers l’examen des ensembles. La Péninsule Ibérique est importante dès le début du phénomène et les contacts sont nombreux et répétés. Les contacts avec les zones plus septentrionales et orientales apparaissent dans une seconde phase et probablement sans faire disparaître les relations antérieures.

Nous allons maintenant terminer sur un essai d'interprétation historique de l'insertion et de l'évolution du Campaniforme dans le sud-est de la France.

Voyons tout d'abord le contexte d'insertion du Campaniforme : la fin du Néolithique.

La périodisation de la fin du Néolithique proposée par A. D’Anna pour la Provence, que nous avons révisée et complétée, s’articule avec les observations languedociennes et permet de rendre compte de l’essentiel des phénomènes culturels observés.

La première étape (D’Anna 1A) est apparemment commune à une grande partie de la région. Le Néolithique moyen Chasséen ne semble plus fournir beaucoup de datations après 3700-3600 avant notre ère. Dans la période qui suit, entre 3600 et 3100, et peut-être un peu au delà, des ensembles céramiques mis au jour en Languedoc, en Provence et dans la vallée du Rhône présentent une tradition chasséenne commune où est notable l’apparition d’éléments nouveaux, dans les types de décors, la présence de cordons et certaines morphologies. Des décalages chronologiques d’une région à l’autre et l’apparition de groupes régionaux distincts sont probables mais pas encore clairement mis en évidence. Ces groupes et la période sont qualifiés de « Néolithique récent », synchrones avec les groupes plus septentrionaux (Horgen, S.O.M.), ce qui n’est pas totalement satisfaisant et ne constitue qu’un vocabulaire d’attente.

La deuxième étape (D’Anna 1B) correspond à la mise en place des cultures matérielles du Néolithique final qui semble s’effectuer principalement dans les deux ou trois derniers siècles du quatrième millénaire pour le groupe de Ferrières en Languedoc oriental et le groupe Couronnien en Provence. Le groupe de Ferrières semble présent jusqu’en Provence occidentale et étend son influence bien au delà, en Haute-Provence et remonte la vallée du Rhône. Un groupe particulier à la région rhodanienne de la Provence, appelé groupe de Fraischamp se développe aux extrémités occidentales du plateau de Vaucluse et du massif du Luberon, s’étendant probablement vers l’intérieur de la Provence par la vallée de la Durance. Le groupe Couronnien s’étend assez largement en Provence et s’associe sur certains sites à du mobilier de style ferrières. La chronologie précise de ces expansions culturelles n’est pas encore établie. La situation en Provence orientale et dans les départements alpins est encore méconnue.
La troisième étape (D’Anna 2A) est marquée par le développement du groupe de Fontbouisse et de ses faciès géographiques en Languedoc oriental, pendant que la Provence est occupée par le groupe Couronnien. La large répartition du groupe de Fontbouisse correspond à celle que connaissait le groupe de Ferrières antérieurement et connaît même une expansion importante vers le nord, par la vallée du Rhône et en Provence intérieure où de nombreuses séries montrent un phénomène de « mixage stylistique » entre des caractères couronniens et des caractères fontbuxiens et permettent de définir une nouvelle entité culturelle appelée Rhône-Ouvèze. Parallèlement le groupe du Nord-Vaucluse et sans doutes d’autres groupes rhodaniens sont constitués par le même type d’influences.
La quatrième étape de la périodisation (D’Anna 2B) correspond à l’apparition et au développement du Campaniforme.

Ce qui ressort de ces quelques observations est le grand dynamisme culturel de la région étudiée à la fin du Néolithique.
Il est néanmoins possible de remarquer l’existence de secteurs de développements culturels importants et successifs et de secteurs récepteurs systématiques de ces développements voisins. C’est ce qui est observable entre le Languedoc oriental et la Provence. Le groupe Couronnien, que la simplicité de ses morphologies céramiques et l’absence de décors a souvent relégué en arrière-plan des productions « baroques » d’autres groupes culturels, montre un grand dynamisme en matière d’expansion, d’architecture et de productions matérielles. Ce sont cependant les entités d’origine languedocienne qui semblent avoir marqué le plus profondément la région et constitué, à l’inverse, des ensembles très peu réceptifs aux influences extérieures.  

Au delà des relations culturelles internes au sud-est de la France, la situation de cette région au carrefour de la vallée du Rhône et du littoral méditerranéen semble avoir joué un rôle important dans ses développements culturels et dans sa position au sein des échanges à longue distance à certaines époques.

L’apparition à peu près concomitante, mais non systématiquement associée, du rite funéraire de l’inhumation ou du dépôt collectif et des monuments mégalithiques, dans la seconde moitié du quatrième millénaire est le plus important phénomène d’origine strictement extérieure à la région. Cette diffusion dont les modalités sont encore à préciser est d’origine occidentale.
Concernant la culture matérielle, très peu d’éléments, en l’état actuel des connaissances, font référence à des apports clairement extérieurs. La seule exception notable concerne des éléments qui pourraient être identifiés comme d’origine italique. Les matières premières importées sont peu nombreuses. Quelques éléments de parure en variscite du Néolithique final peuvent faire référence à des gisements ibériques, sous réserve des analyses en cours. Les autres matières premières semblent d’origine locale probable à l’exception des éclogites d’origine ligure peut-être encore utilisées au Néolithique final, alors que les ressources régionales (versant occidental des Alpes et métabasites) sont de plus en plus mises à profit.

Si les influences de l’extérieur ne semblent pas très importantes dans le sud-est de la France pour la période pré-campaniforme, il n’en est pas de même de la dynamique culturelle vers l’extérieur des groupes locaux et particulièrement des groupes languedociens de Ferrières et de Fontbouisse.
Le premier semble étendre son influence jusqu’à des régions très éloignées comme le Jura, suivant les mêmes réseaux que la diffusion du silex rubané du bassin de Forcalquier. Mais il pourrait encore s’agir de phénomènes relativement ponctuels et dont l’origine reste à déterminer avec précision.
La dynamique du groupe de Fontbouisse n’est encore sans doute qu’entrevue. Son expansion semble se faire vers le nord et l’est aussi bien par le couloir rhodanien que par les vallées alpines. De l’autre côté, vers les régions occidentales, des contacts privilégiés sont probablement remarquables dès une période pré-campaniforme avec la façade atlantique.

La question de la métallurgie, qui est strictement antérieure au Campaniforme dans le sud-est de la France, est aussi très intéressante. Le développement de la métallurgie méridionale autour du centre minier de Cabrières dans l’Hérault est de mieux en mieux connue et se développe dès le tout début du troisième millénaire. En revanche, les modalités et la chronologie de la diffusion des objets métalliques et de la pratique métallurgique dans le sud-est de la France sont encore en grande partie inconnues. Tous les objets métalliques présents dans le sud-est avant la période campaniforme ne sont d'ailleurs pas à attribuer à la métallurgie languedocienne et témoignent de l'existence d'autres centres et d'autres contacts.

La période est aussi marquée par une volonté d'ostentation des groupes :
Le développement des enceintes est l’une des caractéristiques architecturale de la fin du Néolithique dans la partie méridionale du sud-est de la France. Nous avons vu, dans la partie sur l’habitat que ces enceintes sont de construction strictement antérieure au Campaniforme à l’exception de celles qui concernent la fin de la période avec le groupe barbelé.
Le caractère réellement défensif de ces réalisations a été longuement discuté et semble finalement moins important que la mise en évidence du caractère collectif et monumental d’un certain nombre, au moins, d’entre elles. S’il demeure difficile de conclure sur la volonté des constructeurs des enceintes, le caractère ostentatoire de ces sites fossoyés et palissadés semble peu douteux.

Les sépultures dolméniques se développent peu ou prou au même moment, même si localement leurs premières manifestations sont sans doute antérieures au développement des enceintes. Si elles sont bien à dater des premiers temps du Néolithique final, elles seront utilisées jusqu’à la fin de la période considérée et même au delà, ce qui leur confère une importance comme élément des rites funéraires et aussi dans le paysage et probablement l’acquisition et la reconnaissance des territoires.

La fin du Néolithique est aussi le moment du développement de la statuaire anthropomorphe, de l’érection de quelques monuments mégalithiques supposés non funéraires et du développement des peintures et gravures rupestres dans plusieurs secteurs du sud-est de la France.
Si l’origine précise et la signification de ces diverses manifestations symboliques nous sont inconnues, leur développement relativement rapide et massif renvoie nettement à des phénomènes similaires dans l’ensemble de l’arc alpin (Suisse, Italie) et du grand Midi de la France. Si ces objets, monuments et œuvres peuvent être considérés comme des manifestations identitaires des groupes culturels qui semblent très marqués dans le sud-est de la France, ils traduisent en même temps l’existence d’un phénomène qui transcende largement les territoires de ces cultures régionales.

Dans la première moitié du troisième millénaire, le sud-est de la France présente deux séries de caractères apparemment contradictoires.
Les premières font référence à une affirmation culturelle très forte qui se conjugue avec une importante dynamique d’expansion et peu d’influences extérieures remarquables.
Les seconds renvoient à des phénomènes d’ampleur continentale, où les cultures présentes ne sont que les composantes d’une communauté « idéologique », et peut-être sociale, beaucoup plus importante.

Et c’est dans ce contexte que le Campaniforme apparaît dans le sud-est de la France. 

Les plus anciens objets campaniformes présents dans le sud-est de la France font référence aux styles 1 et 2. Ces objets se présentent le plus souvent dans des contextes où ils s’associent à des objets des cultures du Néolithique final local. Et, si des objets du style 1 peuvent présenter des contextes homogènes, les assemblages du style 2 incluent systématiquemen des objets ou des thèmes décoratifs du style 1.
Il convient d’envisager deux scénarios différents pour expliquer la présence de ces deux styles et leurs relations.

Scénario 1-1 succession du phénomène et de la culture

Des vases du style 1 se diffusent, selon des modalités inconnues, dans les groupes de Fontbouisse et Rhône-Ouvèze. Ces objets sont utilisés dans des sépultures et sont alors uniques ou constituent de petits dépôts mais peuvent aussi être présents sur des sites d’habitat où ils peuvent être plus nombreux au sein de séries locales. Leur origine est difficile à préciser. Ces objets ne sont pas directement comparables aux grands gobelets rhénans, et l’axe Rhin-Rhône ne constitue peut-être pas l’axe majeur de diffusion dans un sens nord-sud. Ces vases trouvent de meilleures comparaisons sur la façade atlantique, dans les Pyrénées et en Languedoc occidental et Catalogne. Leur origine pourrait donc être occidentale.
Le style 2 apparaît dans les mêmes contextes, mais dans une région localisée en rive gauche du Rhône essentiellement. Les sites sont peu nombreux. Ce style associe systématiquement des thèmes décoratifs et des objets du style 1. Les objets campaniformes sont alors très nombreux et constituent une proportion très importante au sein des assemblages avec des objets de style Rhône-Ouvèze. Les formes basses de type bol et écuelle sont dès ce moment nombreuses et sans lien avec les traditions morphologiques du style 1. Les décors rayonnants sur ces formes ainsi que la présence d’armatures apparentées aux pointes de Palmela et celle de boutons à perforations en V rapprochent cet ensemble des séries campaniformes de la Péninsule ibérique et du Languedoc occidental. Il ne peut alors être considéré comme un développement local dans le sud-est à partir de l’intégration des premiers éléments du style 1 dans les cultures du Néolithique final, mais correspondrait à une seconde diffusion d’origine occidentale. Cette seconde diffusion correspondrait à des modalités différentes conduisant à une répartition géographique distincte et à une intégration immédiate par les groupes locaux.

Scénario 1-2 synchronie de la culture et de la diffusion d’objets

Les styles 1 et 2 correspondent à une seule diffusion d’origine occidentale, à partir du Languedoc occidental qui atteint le delta du Rhône et remonte le fleuve en s’implantant en rive gauche. Les sites du style 2 que nous connaissons correspondent à l’intégration de groupes campaniformes au sein des cultures locales, ce dont témoignent les mixités stylistiques et techniques fréquemment observés. Cette implantation ne gagne pas l’intérieur des terres et se cantonne aux abords de la vallée du Rhône et de ses affluents, et au littoral méditerranéen, le long des principaux fleuves. A partir de ces sites du style 2 sont diffusés auprès des communautés locales des objets du style 1 qui correspondent donc à un usage particulier ou ont une valeur particulière. La diffusion de ces objets gagnent l’intérieur des terres jusqu’à des zones éloignées de ces « centres distributeurs », en Languedoc oriental et dans les Alpes.

Synthèse

Le scénario de la succession chronologique des styles pose plusieurs problèmes. Il ne permet pas d’expliquer la nature de la diffusion des objets les plus anciens. Il ne permet pas non plus d’expliquer les différences de répartition géographique et de nature des assemblages des styles 1 et 2. L’hypothèse d’une synchronie de ces deux styles et d’une différence fonctionnelle entre les deux types d’assemblages permet à la fois d’expliquer leur origine géographique probablement commune, leur répartition et leur nature différentes.

Ce second scénario entraîne deux hypothèses. La première est qu’un groupe extérieur à la région considérée a intégré les éléments du standard dans sa culture matérielle, en les transformant (Portugal ?). La seconde est qu’un autre secteur géographique a permis la synthèse entre les éléments d’origine ibérique (Palmela, boutons à perforations en V, céramique décorée spécifique), et des éléments atlantiques plus septentrionaux (décors à la cordelette). Ce secteur géographique pourrait être l’extrémité orientale de la chaîne pyrénéenne et le Languedoc occidental au croisement des diffusions sud et nord-pyrénéennes. Si ces hypothèses ne sont pas pleinement validées, rien ne semble pouvoir actuellement les infirmer.

Dans ce schéma, il est séduisant d’imaginer la diffusion du Campaniforme méditerranéen sous la forme d’un déplacement de groupes campaniformes ibériques le long du littoral et des principales voies de communications (essentiellement fluviales). Ce ou ces déplacements sont marqués par des implantations proches des estuaires et le long des fleuves et des accès potentiels comme l’Aude, l’Hérault, le Rhône, l’étang de Berre et les petits fleuves du Var et des Alpes-Maritimes. Ces implantations se font sur des sites des cultures locales ou par création de nouveaux habitats, mais ceux-ci intègrent probablement très rapidement des indigènes. Le site des Barres à Eyguières montre peut-être l’implantation d’un groupe campaniforme au sein d’un habitat local, mais dans un secteur particulier. Ces groupes ne se sont pas implantés en rive droite de la basse vallée du Rhône, en terre fontbuxienne. Ceci pourrait s’expliquer par l’extrême dynamisme du groupe de Fontbouisse qui ne semble pas avoir intégré d’influences extérieures tout au long de sa durée, alors que la Provence est traditionnellement plus réceptive aux influences extérieures. C’est à partir de ces sites que sont diffusés les vases campaniformes classiques, ceux qui s’apparentent au standard, auprès des communautés locales et même dans le groupe de Fontbouisse. La progression de ce Campaniforme pointillé géométrique dépasse le cadre du sud-est de la France tel qu’il a été défini et s’étend probablement au-delà, vers le nord.

Concernant maintenant l’apparition du Campaniforme Rhodano-Provençal

Scénario 2-1 évolution, importation et intégration

Un premier scénario peut proposer une évolution sur place dans le sud-est de la France du Campaniforme du style 2, pointillé géométrique, intégré par les groupes locaux du Néolithique final. La filiation se traduit par des phénomènes de traditions et d’évolutions stylistiques à la fois pour la céramique décorée et pour la céramique commune. L’intégration est marquée par la grande diffusion à travers la région, jusqu’aux secteurs les plus reculés et par un certain nombre de traditions néolithiques, comme la perduration de l’usage majoritaire des dolmens comme sépultures collectives. Ce développement se fait probablement avec des décalages chronologiques d’un secteur à l’autre. La stricte autonomie de ce Campaniforme en rive gauche du Rhône et son association dans le Gard avec des objets de style fontbuxien pourrait aller dans ce sens. Ce développement secondaire dans le Gard avait d’ailleurs déjà été envisagé plusieurs fois.
Ce Campaniforme rhodano-provençal est cependant marqué par de très nettes nouvelles influences extérieures. Il s’agit tout d’abord des influences d’origines septentrionales et peut-être orientales qui étaient absentes ou négligeables dans la période antérieure. Il s’agit potentiellement de certains types de parures comme les pendeloques arciformes et en lunule et peut-être de certaines morphologies céramiques comme les coupes polypodes et les formes monoansées qui, bien que différentes, évoquent des conceptions identiques à la Begleitkeramik d’Europe centrale. Cependant les parallèles les plus remarquables, qualitativement et quantitativement, pour les assemblages du groupe Rhodano-Provençal renvoient encore une fois à la Péninsule Ibérique et les deux régions semblent montrer une évolution parallèle.

Scénario 2-2 Routes et Provinces campaniformes

Pour le développement du groupe Rhodano-Provençal, il est aussi possible d’envisager une part exogène plus importante. Si la filiation sur place ne semble pas pouvoir être totalement remise en cause, les contacts, principalement avec la Péninsule Ibérique pourraient avoir été importants. Il peut s’agir soit d’un nouveau phénomène de déplacement apportant de nouvelles traditions matérielles de même essence que les précédentes, ou plus probablement de contacts privilégiés et répétés entre la Péninsule Ibérique et le sud-est de la France. Ceci permettrait d’expliquer l’évolution parallèle des assemblages céramiques de ces deux régions en même temps que leur autonomie stylistique.
L’expansion campaniforme initiale fournirait ainsi une série de relais aux diffusions successives d’autres éléments, bien au delà du sud-est de la France, en remontant le Rhône vers les régions septentrionales et peut-être orientales. Ceci permettrait en même temps d’expliquer l’arrivée, dans un second temps, d’objets ou d’influences des régions septentrionales et orientales redescendant dans le Midi par ces relais de diffusion.
L’expansion de la composante « rhodano-rhénane » de la céramique commune, dont nous ne pouvons actuellement préciser l’origine, au sein de groupes campaniformes régionaux, pourrait s’expliquer de cette façon.
Le Campaniforme de cette phase récente, relativement déconnecté du phénomène de la diffusion du standard duquel il est issu, constituerait un ensemble en expansion de provinces plus ou moins autonomes et liées par une tradition entretenue par des routes de diffusions et d’échanges.

Concernant enfin l’apparition du Campaniforme incisé et barbelé

L’apparition des céramiques à décor barbelé autour de 2200-2150 avant notre ère, est un phénomène aussi complexe que ceux évoqués précédemment. Ce phénomène fait actuellement l’objet d’études spécifiques, non encore abouties, qui permettront peut-être de répondre à certaines questions. Il est néanmoins possible de proposer des scénarios pour expliquer leur apparition et leur développement.
La mise en évidence déjà ancienne de deux types distincts de décors barbelés (l’un de technique campaniforme et l’autre de technique spécifique) a pu être confirmée pour le sud-est de la France par les travaux récents qui ont aussi montré que ces deux types d’objets n’apparaissent pas exactement dans les mêmes contextes. Ainsi les décors barbelés en contexte campaniforme sont le plus souvent réalisés selon les techniques campaniformes (mais du barbelé vrai peut être présent) et le barbelé réalisé avec un outil spécifique constitue le plus souvent des ensembles homogènes. Par ailleurs les études indiquent que ces groupes à céramique à décor barbelé intègrent à la fois des éléments de tradition locale campaniforme et des éléments nouveaux d’origine allogène.
Plusieurs scénarios peuvent être proposés pour interpréter ces observations. Nous en avons développé deux qui prennent en compte l’ensemble des données.

Scénario 3-1 Le campaniforme barbelé

Le premier scénario propose une filiation directe du Campaniforme rhodano-provençal au groupe à céramique à décor barbelé. Cette filiation pourrait être suivie à travers l’apparition de céramiques à motifs barbelés réalisés par incision ou incision et estampage, puis celle de décors réellement barbelés réalisés de façon plus pratique et rapide au moyen d’un outil spécifique de type peigne fileté.
Ce scénario est sous-tendu par l’existence de contextes différents montrant soit l’association entre Campaniforme et Barbelé soit des contextes uniquement barbelés pouvant, pour certains, être plus récents. Il permet d’expliquer la continuité d’un certain nombre de traditions techniques et stylistiques concernant à la fois la céramique et les outillages.
Il nécessite cependant de faire intervenir de nouvelles influences extérieures qui concernent l’apparition d’objets en bronze, certes très rares, et surtout de nouvelles morphologies céramiques qui semblent de tradition italique et qui peuvent être importantes en proportion dans les assemblages.
Ce scénario ne permet cependant pas d’expliquer plusieurs observations comme la position topographique particulière d’un certain nombre d’implantations liée en même temps à l’apparition d’enceintes d’un type nouveau, l’abandon de l’usage des dolmens, ni l’important changement de la qualité des productions céramiques que ne parvient pas à cacher une tradition campaniforme évidente.

Scénario 3-2 Le groupe à céramique à décor barbelé (groupe Barbelé)

Pour prendre en compte ces données contradictoires, un second scénario peut être proposé sur la base d’un apport extérieur plus important. Selon ce schéma, le groupe à céramique à décor barbelé correspond à un ensemble clairement étranger à la région. Les comparaisons qui ont pu être faites placent la région d’origine des morphologies céramiques en Italie et plus précisément en Italie centrale, mais ceci pourrait correspondre à l’état lacunaire de la documentation pour l’Italie septentrionale. Parallèlement, le décor barbelé réalisé avec un outil spécifique pourrait trouver son origine dans la région nord-ouest des Balkans (Slovénie) et semble s’étendre actuellement au moins jusqu’à la région de Vérone en Italie septentrionale. Cette origine dans une région où le Campaniforme a connu un développement assez important (Italie centrale ou septentrionale) permet d’expliquer de façon simple la synthèse entre des formes italiques et des thèmes décoratifs de tradition campaniforme.
Les décors barbelés présents sur des formes campaniformes et réalisés selon les techniques spécifiques au groupe Rhodano-Provençal peuvent être interprétés en terme d’imitation des décors barbelés spécifiques, par ailleurs parfois présents en faible nombre sur les même sites et interprétables dans ce cas en terme d’échanges.
Ce scénario implique une synchronie partielle des deux groupes et de probables échanges. Il permet d’expliquer des traditions différentes en terme de rites funéraires et même de qualité de la céramique et la construction de sites particuliers topographiquement et architecturalement en même temps qu’un certain degré de parenté par leur origine commune dans le Campaniforme (outillages, techniques et thèmes décoratifs pour la céramique).

Je ne développerai pas ici la partie théorique d'extension de ces modèles aux problématiques générales du Campaniforme en Europe, car cela nous emmènerait trop loin et c'est aussi un peu aride.
Nous allons donc conclure en reprenant les points les plus importants.

Environ 300 sites, dont 130 habitats et une centaine de tombes ; plus de 1400 vases décorés dénombrables ; 134 thèmes décoratifs reconnus ; et, « seulement » 70 objets métalliques, 22 brassards d’archer, 25 boutons à perforation en V et autant de pendeloques arciformes ; mais aussi des choix d’implantation, des architectures, des outillages lithiques et osseux, des structures, des restes de céréales et d’animaux, des milliers de vases non décorés et de parures… C’est ce qu’offre aujourd’hui, à notre sagacité, le sud-est de la France campaniforme.

Le sud-est de la France présente bel et bien quatre ensembles campaniformes distincts correspondant aux quatre styles de la céramique décorée mis en évidence par J. Guilaine. Cette partition est confirmée par l’examen des autres catégories de données et particulièrement les types de céramique commune et les contextes de découverte.

Les céramiques décorées du style 1 (cordé, pointillé linéaire, international et mixte) ne se présentent pas comme une vaisselle complète, mais comme des éléments peu nombreux et standardisés (gobelets). Elles ne s’associent pas à une céramique commune spécifique et apparaissent, le plus souvent, dans des contextes locaux du Néolithique final (habitats et sépultures). Leur lieu de production est inconnu. Leurs matières premières peuvent être régionales mais leur réalisation correspond à traditions techniques spécifiques. Les objets « nouveaux », associés, sont très rares et métalliques. Les céramiques du style 1 peuvent également apparaître au sein des assemblages où le style 2 est dominant.

Les céramiques décorées du style 2 (pointillé géométrique) montrent une variété de décors et de morphologies, marquée par le peu d’importance du standard atlantique et la présence de formes basses. Une céramique fine non décorée est présente. Les céramiques du style 2 apparaissent sur des sites, peu nombreux et essentiellement localisés géographiquement en rive gauche de la basse vallée du Rhône, où elles s’associent à du mobilier attribuable aux groupes de Fontbouisse et Rhône-Ouvèze. La céramique commune est de tradition locale rhône-ouvèze, mais la présence de traits campaniformes est discernable. Des transferts techniques entre les productions campaniformes (fabriquées localement) et rhône-ouvèzes sont remarquables et des cas de mixité stylistique sont observés pour les céramiques décorées. D’autres éléments spécifiques sont présents comme des objets métalliques, des parures et probablement un outillage lithique. Les sites montrent souvent une topographie particulière. Des habitations sont connues et toutes les activités domestiques et agro-pastorales sont représentées. Les rares sépultures sont collectives et essentiellement en cavité.

Les céramiques décorées du style 3 (incisé, incisé et estampé, pointillé complexe du groupe Rhodano-Provençal) comprennent de nombreuses morphologies parmi lesquelles les formes basses sont très importantes. Les décors sont également très diversifiés. La présence de décors imitant le barbelé est notable. Elles s’associent à de nombreuses céramiques non décorées spécifiques dont une céramique commune caractéristique et forment une gamme de vaisselle complète. De nombreux types de parure, objets métalliques, et l’industrie lithique sont aussi spécifiquement campaniformes. Ces assemblages sont présents sur de très nombreux sites dans toute la région considérée. Dans la plupart des secteurs géographiques, il s’agit de sites homogènes qui ne montrent aucune association avec des éléments de styles locaux. Dans le Gard et sur certains sites rhodaniens, en revanche, la présence de quelques objets de tradition fontbuxienne associés au campaniforme est remarquable. Les sites montrent une grande variété d’implantations et des architectures différentes selon les secteurs. Toutes les activités sont représentées et des complémentarités entre sites sont probables. Les sépultures sont nombreuses et peut-être variées mais ce sont les dolmens qui sont le plus largement utilisés, avec les cavités.

Les céramiques décorées du style 4 (incisé et barbelé) sont marquées à la fois par une tradition campaniforme et par des spécificités inédites qui concernent les morphologies et la technique de décor elle-même. Une céramique commune leur est associée ainsi que quelques éléments spécifiques comme de très rares objets en bronze. Les contextes sont pour l’essentiel homogènes, mais la présence de vases du style 4 au sein de séries ou sur des sites du groupe Rhodano-Provençal est fréquente. Les implantations sont diversifiées mais les sites de hauteurs sont nombreux et s’associent parfois à des enceintes pouvant correspondre à de réelles fortifications. La répartition des sites et leur nombre sont moins importants que pour le Campaniforme Rhodano-Provençal. Les sépultures sont majoritairement des cavités, mais la sépulture individuelle, qui n’a peut-être jamais disparu dans le sud-est, semble se développer.

Outre la distinction de ces ensembles, un autre fait important est le caractère domestique de l’essentiel du Campaniforme du sud-est de la France. Les sites d’habitat sont nombreux et montrent une variété d’architecture (pour le groupe Rhodano-Provençal). Toutes les activités domestiques et de subsistance sont représentées pour les Campaniformes des styles 2, 3 et 4. Seul le standard du Campaniforme (style 1), tel qu’il a été défini par L. Salanova, ne peut être considéré comme une culture archéologique au plein sens du terme.

L’ensemble des données montre une partition entre des traditions pouvant être strictement locales et des changements liés à l’apparition du Campaniforme. Ces deux composantes ne semblent pas d’égales proportions pour les différents ensembles campaniformes reconnus.

Des objets correspondant au style 1 (le standard) sont présents systématiquement dans des contextes où le style 2 est dominant (mais en faible nombre). Dans tous les autres cas, ils ne constituent qu’un « placage » dans des ensembles du Néolithique final local.

L’ensemble de style 2 est marqué par une réelle mixité où certains éléments sont clairement étrangers à la région (style et technique de la céramique décorée, industrie lithique, objets métalliques, certains éléments de parures, et peut-être les formes de l’habitat et le choix des sépultures) et les autres strictement locaux (typologie et, pour une part, technique des céramiques communes, style d’une partie de la céramique décorée). Les autres outillages et les activités de subsistance ne peuvent pas être discriminés.

L’ensemble de style 3 montre des céramiques décorées faisant référence à d’autres régions, comme certaines morphologies de la céramique commune. Les autres éléments mobiliers sont ubiquistes. Les sépultures appartiennent aux traditions locales du Néolithique final.

L’ensemble de style 4 présente plusieurs traits nouveaux qui renvoient, encore une fois, à des régions différentes concernant la technique de réalisation des décors de la céramique mais également pour certaines morphologies et pour les objets en bronze. Les autres outillages sont conformes à ceux observés dans les ensembles précédents.

L’apparition du Campaniforme dans le sud-est de la France est encore difficile à dater. Elle se situe probablement autour de 2500 avant notre ère, peut-être un peu avant, mais les données chronologiques fiables sont encore trop peu nombreuses.
Nous vous avons montré, la possibilité d’une diffusion des gobelets campaniformes standards (style 1) à partir de centres de diffusion très localisés et attribuables au style 2. Ces sites, qui présentent des contextes domestiques intégrant éléments campaniformes et éléments de la culture locale rhône-ouvèze, sont rares et associent systématiquement des éléments du standard peu nombreux à une réelle culture matérielle campaniforme. Ce style 2 correspond à l’implantation de personnes d’origine étrangère à la région mais en contact direct avec les populations indigènes. La distinction entre ces deux styles pourrait donc être fonctionnelle.

L’hypothèse chronologique d’une succession du style 1 et du style 2 ne peut, cependant, être écartée. La diffusion des vases du style 1 pourrait dans ce cas correspondre à une première diffusion très ponctuelle – des contacts – sans implantation réelle d’origine extérieure qui n’est envisageable que pour le Campaniforme pointillé géométrique.

Les manifestations du groupe Rhodano-Provençal (style 3) sont probablement strictement postérieures (à partir de 2400-2300) à la phase précédemment décrite. Le développement de ce groupe procède cependant, au moins partiellement, d’un développement du Campaniforme pointillé géométrique. Certaines composantes de cette culture indiquent néanmoins qu’il ne peut s’agir d’un simple développement sur place et que des contacts se poursuivent avec des régions extérieures, tandis que d’autres, nouveaux, s’établissent.

Le groupe Rhodano-Provençal remplace les cultures locales en rive gauche du Rhône et s’implante, dans le Gard, alors que le groupe de Fontbouisse est toujours présent, ce dont témoignent de manifestes échanges d’objets et même la présence d’objets stylistiquement mixtes comme le vase récemment mis au jour au Mas de Vignoles à Nîmes (Gard).

Le groupe Barbelé, dont les datations sont plus homogènes, apparaît entre 2200 et 2150 avant notre ère, sous une nouvelle impulsion étrangère. S’il finit par succéder au groupe Rhodano-Provençal, et souvent sur les mêmes implantations, il apparaît à un moment où le groupe campaniforme n’a pas encore disparu. La présence de rares vases barbelés et la fréquence d’imitations de décors barbelés dans les séries rhodano-provençales pourraient montrer un schéma d’intégration d’une nouvelle composante culturelle ou de cohabitation avec un ensemble étranger, sans qu’il soit possible de trancher.

Les sites attribuables au groupe Barbelé (style 4) montrent, pour une part, de nouveaux choix d’implantation et l’apparition de réelles fortifications d’un type inédit, traduisant des changements, encore non interprétés, dans la situation régionale.

Les relations entre Campaniforme et cultures locales du Néolithique final sont patentes, et variées dans le temps et dans l’espace. Il est évident que le Campaniforme n’apparaît pas dans une région vide de toute population.

Nous avons pu préciser que les principaux groupes culturels à entretenir des relations directes avec le Campaniforme sont le groupe de Fontbouisse et, peut-être plus encore, le groupe Rhône-Ouvèze dont la définition pourrait indiquer qu’il s’agit du résultat de l’influence fontbuxienne sur le groupe Couronnien. Cette dernière interprétation pourrait, en même temps, expliquer l’absence de relations directes observées entre Couronnien et Campaniforme, qu’il s’agisse d’un décalage chronologique ou d’alliances culturelles privilégiées.
Les relations observables ne peuvent, actuellement, prendre la forme que d’associations de mobilier. Mais celle-ci peuvent être strictes, dans des ensembles clos (sépultures individuelles, habitats de plein air isolés) ou présenter des configurations très particulières avec des cas de mixité stylistique et/ou technique.
La place de ces groupes locaux semble réduite à partir du plein développement du groupe Rhodano-Provençal. Cependant, il est notable que le groupe de Fontbouisse n’a pas totalement disparu à ce moment, au moins dans le Gard, et peut-être qu’une tradition fontbuxienne persiste dans certains secteurs jusqu’à la fin de la période. De ce fait, la possibilité d’une perduration d’autres groupes culturels dans certains secteurs du sud-est de la France existe toujours, même si elle n’est pas avérée. Seule cette possibilité pourrait expliquer une éventuelle composante locale dans la genèse des cultures matérielles du Bronze ancien, si celle-ci devait être vérifiée.
Ces relations complexes entre Campaniforme et cultures locales sont pressenties dans plusieurs régions, comme en Centre-Ouest et doivent impérativement être précisées pour interpréter le Campaniforme.
 
La recherche de comparaisons pour les différents éléments campaniformes reconnus dans le sud-est de la France est fonction, nous l’avons dit, de l’état de la recherche et de la disponibilité des données dans les autres régions. Elle permet cependant, en tenant compte de cette limite, d’envisager deux pistes complémentaires pour l’origine du Campaniforme dans le sud-est et différents niveaux de relation possibles.

Concernant les premiers éléments campaniformes (styles 1 et 2), les principales comparaisons renvoient systématiquement vers l’ouest et plus précisément à deux zones d’échelle différente : la Péninsule ibérique et, plus largement, la façade atlantique. Il est difficile de reconnaître une zone nucléaire unique aux différents éléments observés dans le sud-est. Si le Portugal pourrait constituer cette zone, sur plusieurs plans, la quasi absence du décor à la cordelette dans ce secteur montre qu’il ne suffit pas à expliquer la genèse du Campaniforme du sud-est. Le nord-est de la péninsule et la région « Pyrénées – Roussillon – Languedoc occidental » constituent potentiellement la zone de relais où la synthèse des éléments reconnus dans le sud-est a pu s’effectuer.

Dans ce cadre, l’importance indéniable de l’axe rhodanien doit être considérée dans le sens sud-nord – par la diffusion de ces styles anciens (1 et 2) qui atteignent au moins le site de Derrière le Château dans l’Ain – et non dans le sens nord-sud, en l’absence d’éléments strictement septentrionaux dans le sud-est de la France.

Avec le développement du groupe Rhodano-Provençal, les relations avec les autres régions changent partiellement. Les liaisons avec le Languedoc occidental (groupe Pyrénéen) et avec la Péninsule ibérique sont toujours très nettes. Mais, des contacts, probablement secondaires, s’établissent avec des régions septentrionales et peut-être orientales, par l’axe rhodanien.

Pour le groupe Barbelé, de nombreuses comparaisons indiquent un nouveau basculement des relations, avec une composante italique importante. Celle-ci n’est pas encore localisée précisément et présente à la fois des traits nord-orientaux (d’origine balkanique nord-occidentale) et d’autres centraux (Toscane). Il s’agit d’un nouveau réseau, probablement distinct des précédents, alors que des influences septentrionales et nord-orientales (Europe centrale) sont peut-être sensibles, à la même époque, jusque dans la moyenne vallée du Rhône.

Le Campaniforme serait, en fonction de ces observations, à partager en plusieurs entités bien distinctes d’origines et de chronologies différentes.

Concernant les différentes diffusions rapportées au Campaniforme, il faut remarquer qu’il ne s’agit que très rarement de simples diffusions d’objets. Celles-ci peuvent néanmoins exister, parfois à longue distance, mais le plus souvent à l’intérieur du cadre régional.

Les approches technologiques de la céramique par F. Convertini indiquent très clairement la présence de transferts techniques et la diffusion de savoir-faire à travers des régions non contiguës qui induisent le déplacement d’individus. Concernant le nombre de ces individus, il demeure difficile de répondre. L’arrivée de populations importantes est très improbable pour les implantations du Campaniforme pointillé géométrique, comme pour la diffusion des vases du standard (quel que soit le scénario retenu). Tout au long de cette période d’implantation, puis du développement du groupe Rhodano-Provençal, la présence d’une tradition locale est manifeste. Cependant, l’explication du phénomène d’acculturation massive – perceptible par le développement numérique et géographique des sites à céramique incisée et estampée qui, d’une façon ou d’une autre, finissent par supplanter et remplacer les sites du Néolithique final local – peut-elle trouver son origine dans le rayonnement des quelques sites du Campaniforme pointillé géométrique ? Peut-être. Mais, à vrai dire, nous ne le pensons pas. Le développement du Groupe Rhodano-Provençal correspond à de nouveaux contacts avec les régions occidentales (entre l’Aude et la Péninsule ibérique) et sans doute à l’implantation d’une population. Ce schéma permettrait de comprendre pourquoi le Languedoc oriental, seulement gagné par quelques vases du standard dans un premier temps, se trouve ensuite couvert d’implantations du Campaniforme Rhodano-Provençal.

Si notre démarche n’a pas consisté à tester un modèle choisi au départ, la mise en place de ce schéma spatio-temporel a conduit à s’interroger sur une interprétation générale de ces observations.
C’est presque par hasard – étant donnée la rigoureuse partition disciplinaire entre Préhistoire, Protohistoire et Histoire –, que la lecture de travaux sur des périodes plus récentes nous a amené à envisager une clef de lecture, finalement sans doute pas plus anachronique et détachée culturellement de notre Préhistoire que certains modèles ethnographiques.

Les données relatives à l’implantation des Grecs en Languedoc (que je n'ai pas développées ici) montrent une grande similitude avec celles qui concernent l’apparition du Campaniforme dans le sud-est. L’interprétation qui est faite des premières à l’avantage de reposer partiellement sur des sources écrites (certes tardives) et sur des récurrences dans plusieurs secteurs de la Méditerranée.

Si la validité de cette approche n’est pas démontrée, ce qui nécessiterait un travail important, il s’agit bien ici d’en rester au niveau de la remarque et d’envisager ses conséquences. 

Le Campaniforme pourrait ainsi être interprété en terme d’explorations, de mise en place de relais sur des routes d’échanges ou d’approvisionnement et – pourquoi pas ? – de colonisation. C’est bien ce qui pourrait ressortir du schéma spatio-temporel du sud-est. On assisterait alors à la mise en place de « comptoirs » au contact direct des populations indigènes et la diffusion vers l’intérieur des terres de produits considérés comme « luxueux » ou simplement exotiques par les populations locales, les thésaurisant et les intégrant à leur mobilier funéraire. Cette diffusion pourrait être liée – à la fois comme cause et conséquence, dans une région et à une époque où l’ostentation et le prestige semblent très recherchés – à des phénomènes d’imitation idéologique et/ou symbolique.

Dans un second temps, le développement d’une culture régionale campaniforme pourrait correspondre à un phénomène d’acculturation en masse, à l’implantation de populations plus importantes et à un métissage culturel qui semble bien ne pas s’être produit au même moment et de la même façon dans tous les secteurs de la région considérée.

L’examen des données du sud-est de la France et les interprétations qui peuvent en être proposées conduisent à envisager quelques réflexions, dont la portée plus générale, nous semblait, au départ, interdite par l’approche régionale.

Parmi les questions qui sous-tendent tous les travaux sur le Campaniforme, celle de la fonction des céramiques campaniformes et de la raison de leur diffusion a sans doute fait l’objet du plus de propositions et de débats.
Répondre à cette question demeurera sans doute longtemps difficile, même s’il est très probable que cette vaisselle particulière, composée de vases à boire, soit simplement liée à une activité de consommation (ritualisée ou non).
S’il est difficile d’aller plus loin actuellement, il faut s’interroger d’une façon différente sur ce phénomène en envisageant que ce n’est pas forcément la diffusion des gobelets qui est importante mais ce qu’elle cache (et qu’elle devrait nous révéler).

Particulièrement pour le Campaniforme, l’importance consacrée de la céramique est, sans doute, trop mise en avant ; parce que nous la considérons comme très sensible aux évolutions culturelles. Il s’agit d’ailleurs d’une consécration toute archéologique et le spécialiste ne peut être que surpris lorsque le profane écrit un roman (fondé sur les plus récentes publications scientifiques) narrant la « légende » de Stonehenge, situé en 2000 avant notre ère, et ne mentionne que deux fois, en plus de 450 pages, la présence de céramique décorée.
Il est même possible d’aller plus loin, en se demandant s’il y a réellement eu une diffusion des gobelets campaniformes à l’échelle de l’Europe. Ce qui est observable, dans le sud-est de la France, c’est probablement la diffusion limitée de quelques objets particuliers au sein des cultures locales, mais au niveau régional seulement. La réelle diffusion n’est pas celle d’une céramique, ni même d’une technique ou d’un usage de cette céramique, mais bien celle de personnes et certainement de groupes. Les céramiques spécifiques avec leur décor aisément identifiable ne sont alors que le révélateur de phénomènes, non pas plus complexes, mais plus discrets.

L’ampleur, la forme et la rapidité des changements culturels sont fonction de nombreux paramètres parmi lesquels les plus importants sont, sans doute, les cultures elles-mêmes mais aussi la nature des contacts qui ont présidé au remplacement de l’une ou à leur métissage.

Pour le Campaniforme, les indices de brusques changements culturels et, dans certains cas, de probables déplacements de populations sont de plus en plus évidents, dans diverses région d’Europe. Les indices indirects sont particulièrement nombreux. La transformation rapide de certains monuments funéraires, comme pour le dolmen des Peirières à Villedubert dans l’Aude, selon les observations de H. Duday ou pour la nécropole du Petit Chasseur à Sion, en Suisse, selon les observations d’A. Gallay, n’en sont que les exemples les plus spectaculaires. Parallèlement, si les études biométriques en anthropologie n’ont pas permis jusqu’à présent de reconnaître la réelle liaison entre le campaniforme et un type humain spécifique – comme les célèbres brachycrânes planoccipitaux - , d’autres types d’étude pourraient néanmoins indiquer ces déplacements. Les analyses isotopiques menées de part et d’autre du Danube ou les récentes approches des caractères discrets en anthropologie montrent la probabilité de ces déplacements de personnes ou de populations. L’ampleur de ces déplacements, en distance comme en nombre de personnes concernées, est inconnue et il demeure difficile de prouver de réelles migrations.

La nature des contacts entre ces groupes campaniformes et les groupes indigènes est aussi difficile à préciser, mais plusieurs indices sont présents dans le sud-est. Si les implantations du Campaniforme pointillé géométrique sont bien d’origine directement extérieure à la région, il faut rappeler en même temps l’existence d’objets et de techniques indiquant la présence d’indigènes sur le même site et même un certain « métissage stylistique » déjà présent pour certains objets. Parallèlement, cette implantation reste cantonnée aux abords de la vallée du Rhône et de la côte méditerranéenne et les approvisionnements en matières premières se sont très nettement recentrés sur un territoire local. Ces données traduisent-elles une difficulté à s’implanter, des contacts délicats avec certains indigènes belliqueux ? Nous ne disposons d’aucune source fiable pour envisager cette question. Les affrontements seront toujours difficiles à mettre en évidence mais n’ont pu qu’exister.

Dans le sud-est de la France, l’apogée du groupe de Fontbouisse, qui semble influencer directement les régions voisines, est une période de rayonnement culturel. Elle se marque par une forte densité d’occupations dans le Gard, avec de grands sites de plaine présentant des fossés, le développement d’une architecture en pierre dans la zone des garrigues, en même temps qu’une expansion vers d’autres régions. L’origine du Campaniforme qui gagne ce sud-est, dans la péninsule ibérique, ne serait-elle pas liée à un même phénomène d’expansion à partir d’une région comme l’Estremadura portugaise. Dans cette région, une certaine pression est sensible (démographique, sociale et idéologique ?) avec la construction au Néolithique final de sites ceinturés – comme dans d’autres régions de la Péninsule – nombreux et dont le caractère fortifié ne doit pas faire de doute. Les multiples routes suivies par le Campaniforme pointillé géométrique et international, vers le nord le long de la côte atlantique et vers la Méditerranée indiquent sans doute un phénomène d’expansion à la recherche de zones d’approvisionnement ou même de peuplement.

Les approches à grande échelle et la prééminence de la céramique décorée sont elles réellement les bonnes pistes pour comprendre le Campaniforme ?

Le croisement du plus grand nombre de données et la prise en compte des contextes de découverte permettent de mieux appréhender l’insertion du Campaniforme dans les diverses régions où il est diffusé et, en même temps, d’observer la nature et le degré des changements potentiels que la présence des vases décorés ne fait que signaler.

Cette prise en compte de nombreuses données implique une approche régionale, afin de maîtriser le plus possible les contextes culturels et chronologiques locaux, ainsi que la masse de données elles-mêmes. La réalisation de synthèses régionales est en même temps nécessaire  pour fonder les approches à plus grandes échelles qui pâtissent systématiquement de l’accès à l’information régionale ou locale. C’est avant tout cet outil que nous avons voulu réaliser pour le sud-est de la France.

Enfin, la possibilité de trouver des modèles proches à la fois géographiquement et chronologiquement semble importante, et ces pistes devront être suivies dans le domaine de la longue durée et de l’ouverture vers nos collègues protohistoriens.

Le problème de la genèse de la culture du Bronze ancien du sud-est de la France n’a pas été réellement abordé dans le cadre de ce travail car elle appelle des développements spécifiques qui seront réalisés dans d’autres cadres. Il est néanmoins possible, à partir des données campaniformes, de faire quelques remarques sur cette vaste problématique.

Chronologiquement, tout d’abord, nous partageons les interrogations de M. Lichardus-Itten concernant la datation du début de l’âge du Bronze en France, en 2300 avant notre ère. Au-delà des aspects formels et méthodologiques concernant les échantillons datés et leur interprétation archéologique, cette datation n’est pas confirmée par les données du sud-est de la France.
En premier lieu, l’observation des données archéologiques et une série de datations concordantes (et « archéologiquement » correctes) tendent à dater l’apparition du groupe Barbelé autour de 2200 et plus probablement 2150 avant notre ère, au plus tôt. Ensuite, l’implantation de ce groupe Barbelé semble avoir un effet direct sur le groupe Rhodano-Provençal qui est, de fait, synchrone de cette implantation. Enfin, si ce groupe Barbelé participe à la genèse de la culture du Bronze ancien (ce qui reste à montrer précisément), il faut s’interroger sur la définition même de l’âge du Bronze ancien et sur l’adhésion de ce groupe à cette définition.

Culturellement, les composantes du Bronze ancien du bassin rhodanien sont encore en cours de reconnaissance et d’attribution. Après de très nombreuses hypothèses formulées, reprises et commentées pendant le dernier quart de siècle et encore très récemment, la question n’est pas réglée. Il semble, là encore, que l’approche globale, prenant en compte un espace important entre Europe centrale, domaine italique et périphérie rhodanienne du versant occidental des Alpes, ne puisse se fonder – et c’est également l’opinion émise par J. Vital – que sur de nouvelles approches régionales précises des données de terrain, largement renouvelées ces dernières années pour le bassin rhodanien.
           
Dans la constitution de l’ensemble rhodanien du Bronze ancien, la part méridionale (Campaniforme récent et cultures locales du Néolithique final) est sans doute moins importante que celle des influences d’Europe centrale, au sens large. La basse vallée du Rhône s’isole sans doute, quelque peu, dans ce schéma général est-ouest ou nord-est – sud-ouest, avec une composante barbelée importante et sensible au moins jusque vers 1900 avant notre ère.  

La mise en place des implantations du Campaniforme pointillé géométrique puis des cultures du Bronze ancien correspondent à des schémas différents et à des origines géographiques opposées. C’est cependant, très probablement, par l’expansion du Campaniforme de la Péninsule ibérique vers l’Europe centrale que se mettent en place des réseaux qui diffusent, en sens contraire, des objets et des influences par la haute vallée du Rhône et le Midi de la France, dès la période du Campaniforme rhodano-provençal. Le Campaniforme inaugure ainsi les routes de la mise en place du Bronze ancien, comme il semble l’avoir fait en Italie.

Gordon Childe appelait l'âge du Cuivre, celui des Barbares évolués. En fait, pour l’ensemble des données observées, la tradition néolithique est importante. Les modes de vie sont sans doute équivalents à travers une économie agro-pastorale et des activités artisanales ancestrales, que seul le développement de la métallurgie, d’ailleurs nettement antérieur au Campaniforme, vient compléter.

Pourtant, au troisième millénaire, le nombre de sites connus, l’édification de « petits châteaux » et de grands monuments, ainsi que le développement de marqueurs identitaires variés traduisent probablement en même temps la réussite et la crise de ce monde néolithique. Une importante pression démographique entraînerait une exacerbation d’élites et de symboles.
A la fin de la période, l’apparition de petits objets de Bronze dans le sud-est montre le développement de nouvelles techniques qui vont mettre fin, à terme, à l’âge de la pierre – au sens strict. Mais, plus que les techniques, c’est la mise en place de nouvelles routes de déplacements ou d’échanges à travers l’Europe qui marque la seconde moitié du troisième millénaire.

L’importance de la Méditerranée pour les régions méridionales de l’Europe, encore très sensible pour la première diffusion du Campaniforme, va être remise en cause par l’expansion de cultures centre-européennes, pour un temps. L’aube de la Protohistoire est, en ce sens, déjà là.

Il ne s’agit pas, pour conclure, d’entrer dans un débat philosophique sur le sens de l’Histoire, mais de s’interroger sur l’efficience de nos découpages chronologiques et disciplinaires.

Une évolution des sociétés, en Europe, est bien perceptible depuis la mise en place de l’économie néolithique jusqu’à l’apparition des systèmes politiques, économiques et sociaux complexes qui imprègnent ces régions à partir de la Protohistoire. Si cette évolution n’est pas linéaire, avec des décalages et de nombreux transferts d’une région à l’autre, les recherches tendent à faire reculer dans le temps, tout ce que nous croyions apparu tardivement. J. Guilaine a ainsi longuement insisté sur la nature historique des phénomènes qui caractérisent le Néolithique.

Après avoir longuement réfléchi à la place du groupe Barbelé (dans le Campaniforme ou dans l’âge du Bronze), et à la récurrence de ces « périodes intermédiaires » si nombreuses à la fin de la Préhistoire, nous ne pouvons que nous demander si les découpages chronologiques sont réellement pertinents et même s’ils ne sont pas un frein à nos analyses et à nos réflexions. En effet, si le début de l’âge du Bronze est si difficile à placer dans nos chronologies n’est ce pas, au moins pour le bronze ancien, parce que ce découpage – fondé sur l’observation d’un seul trait technique – n’a pas de sens ? Même sur ce plan technique la succession ChalcolithikumMetallikum de C. Strahm n’intervient pas avant une phase avancée de ce Bronze ancien.

Après les importantes propositions, issues des conclusions du colloque d’Ambérieu, concernant l’abandon du terme « Chalcolithique », et la nécessité de préciser les ensembles culturels du troisième millénaire et leur chronologie – ce que nous avons tenté de faire ici pour un petit ensemble géographique et chronoculturel – ne faut-il pas tenter d’aller encore plus loin ? N’est-il pas souhaitable de retrouver, entre Néolithique et âge du Bronze, le sens de l’Histoire ?

Orientation bibliographique

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